Prisons : le scandale continue

La France est malade de ses prisons. On a beau en construire, elles débordent. Au mois de juillet, nous battions un triste record : 78 500 personnes étaient incarcérées, 3 500 dormaient sur des matelas à même le sol.


• Jeanne Emmanuelle HUTIN*

Malgré les condamnations, les conditions indignes de détention ne semblent plus émouvoir grand monde au pays des droits de l’homme ! Et pourtant, cette surpopulation a

« des conséquences dramatiques pour les droits et la dignité des personnes détenues, souvent entassées le plus clair de leur temps à deux ou trois dans des cellules exiguës » , dénonçait l’Observatoire international des prisons (OIP).

La liste est longue des maux, plus pénibles encore dans la chaleur de l’été. Cette surpopulation

« expose les détenus comme les personnels à des conditions de détention marquées par des tensions quotidiennes, la promis-cuité, les risques de violence accrus » , dénonçait le rapport de la Cour des comptes (1).

Dans les maisons d’arrêt, la surpopulation explose :

« Il n’y a pas de numerus clausus. On est obligé d’accueillir tout ce que l’autorité judiciaire ordonne » , expliquait le directeur de la prison de Coutances (Manche), Lionel Le François (2). Contrairement à d’autres pays européens, en France le nombre de détenus augmente : il a doublé depuis 1982, passant de 57 détenus à 111 pour 100 000 habitants, observe l’OIP. Augmentation aussi du nombre d’années de prison ferme, passé d’environ 54 000 en 2000, à près de 90 000 en 2019, écrit la Cour des comptes (1).

Agir sans attendre

On emprisonne donc toujours plus. Malgré les peines de substitution, l’incarcération est privilégiée

« pour une population marquée par la récidive et la précarité » . Sans compter

« l’augmentation du recours aux comparutions immédiates et le maintien, à un niveau élevé, du taux de détention provisoire » , observe la Cour des comptes (1) : 20 400 personnes étaient emprisonnées avant jugement en avril 2024 ! De plus, on durcit les peines. On crée de nouvelles infractions : 120 en cinq ans, de 2017 à 2022, note l’OIP.

Les personnels pénitentiaires sont épuisés dans bien des prisons :

« Si on tient, c’est grâce à la solidarité qui nous relie entre collègues » , disait l’un d’eux (3). Cette surpopulation nuit à l’efficacité de leur travail qui n’est pas seulement

« d’ouvrir et de fermer les portes » mais d’accompagner humainement les détenus.

Notre société fébrile et inquiète pense souvent que la prison seule est un gage de sécurité. Alors, dès qu’un horrible « fait divers » survient, on se précipite pour faire une nouvelle loi. Les dispositifs s’empilent, coûteux, pas toujours efficaces.

« Il faut arrêter de penser que la prison est la solution à tous nos problèmes » , explique Prune Missoffe de l’OIP, qui appelle à une réforme globale et à des actions d’urgence comme limiter le recours à la détention provisoire avant jugement. L’OIP appelle aussi, comme la Commission consultative des droits de l’homme, à ne plus envoyer de gens en prison quand elles sont déjà occupées à 100 %.

La surpopulation rend difficile la préparation de la réinsertion des détenus, pourtant nécessaire pour éviter la récidive. Les personnes détenues ayant purgé leur peine sortiront de prison. Il est essentiel qu’elles soient préparées à la sortie, qu’elles puissent garder les liens familiaux et que leur vie soit rendue plus humaine par des conditions de vie dignes. C’est bien le moins au pays des droits de l’homme ! C’est ça aussi, construire la sécurité.

(*) Directrice de la recherche éditoriale à Ouest-France.

  1. Cour des comptes, octobre 2023 ; (2) Ouest-France, 24-6-24 ; (3) Ouest-France, 24-5-24.

OUEST-FRANCE - le 3 août 2024

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