Le nombre de détenus a explosé depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Meloni, dépassé par la criminalité des jeunes migrants
Pour la première fois, en 2022, les délits commis par les mineurs étrangers (17 032) ont dépassé ceux perpétrés par les Italiens de cette tranche d’âge (15 490).
En Italie, les prisons pour mineurs ont changé de visage
— framafad paca corse (@WaechterJp) November 14, 2024
Jusqu’à il y a peu, les instituts pour mineurs étaient, longtemps modèle en termes de réinsertion, sont en train d’y reproduire certains des maux ataviques des prisons pour adultes. @lopinion_fr pic.twitter.com/zzA5AZKOIb
• Francesco Maselli (à Rome)
SURPOPULATION, conditions d’hygiène précaires, violences... Les établissements pénitentiaires italiens, connus pour leur non-respect des droits des détenus, sont régulièrement le théâtre de violences et de mutineries. Jusqu’à il y a peu, les instituts pour mineurs étaient, au contraire, un modèle en termes de réinsertion, mais l’immigration et les politiques du gouvernement Meloni sont en train d’y reproduire certains des maux ataviques des prisons pour adultes.
Au 15 septembre 2024, 569 détenus étaient recensés dans les établissements pour mineurs, ce chiffre oscillant entre 560 et 580 au cours des derniers mois selon le dernier rapport de l’association Antigone. Du jamais vu : en octobre 2022, au début du mandat de l’exécutif de droite, ils n’accueillaient que 392 personnes. Ces statistiques reflètent une dégradation de la situation sécuritaire : tous les types de délits commis par les mineurs sont en hausse et, pour la première fois, en 2022, les délits commis par des étrangers (17 032) ont dépassé ceux perpétrés par des Italiens (15 490). Carlo Nordio, le ministre de la Justice, a admis que l’exécutif n’avait pas anticipé cette situation : « La capacité carcérale de notre pays a toujours été basée sur un faible nombre de détenus mineurs : nous avons soudainement été confrontés à une invasion de mineurs dans les prisons, qui viennent principalement d’autres pays. Leur nombre nous a pris au dépourvu. »
Certains établissements connaissent des violences et des évasions, comme Beccaria à Milan, où les tensions ont augmenté depuis l’enquête qui a conduit à l’arrestation de treize agents en avril dernier pour maltraitances sur des détenus. Depuis cette période, le site milanais a été confronté à cinq mutineries et six évasions, une situation explosive que les autorités craignent de devoir affronter dans d’autres prisons, notamment au nord du pays, plus touché par la surpopulation.
Les détenus extracommunautaires sont souvent de faux mineurs. Il est impossible de déterminer leur âge quand ils n’ont pas de papiers, et leur appartenance fréquente à des réseaux criminels les rend encore moins respectueux des institutions italiennes
Saturation. Avant l’été, l’Opinion a eu accès à l’institut pénitentiaire de Nisida, à Naples, le deuxième d’Italie en termes de détenus, et parmi les plus axés sur le travail de réinsertion et de formation professionnelle. La situation y est beaucoup plus apaisée qu’à Milan malgré un contexte très difficile, marqué par la présence d’une forte criminalité organisée. Si Nisida fait figure d’exemple, la vague des mineurs étrangers et le changement de sociologie récemment observé sont en train de modifier profondément le travail des agents.
« On est habitué à avoir une population parfois très difficile, mais qui comprend le fonctionnement du système pénitentiaire et accepte souvent le parcours de réinsertion. Avec les étrangers, c’est moins évident : beaucoup d’entre eux n’ont aucun intérêt à adopter un bon comportement, parce qu’ils sont seuls, sans références familiales. Les incitations ou les punitions sont peu efficaces avec ces profils », explique Ignazio Gasperini, le directeur adjoint de l’institut.
Ce type de population a davantage tendance à passer par la case prison car il est souvent impossible de lui appliquer des parcours alternatifs. De plus, comme le système favorise l’incarcération dans des établissements proches des lieux d’origine des détenus, les étrangers ont plus de probabilités d’être transférés en cas de saturation : « Sans famille, on ne peut pas les condamner à être assignés à résidence, analyse la magistrate Gemma Tuccillo. Ils entrent en prison, et se retrouvent seuls, isolés, sans connaître la langue, dans un environnement qu’ils perçoivent comme hostile. Il faudrait des médiateurs culturels. L’isolement exacerbe inévitablement les choses. Dans ces conditions, vous êtes gagné par la colère. »
Durcissement. Les détenus extracommunautaires sont souvent de faux mineurs. Il est impossible de déterminer leur âge quand ils n’ont pas de papiers, et leur appartenance fréquente à des réseaux criminels les rend encore moins respectueux des institutions italiennes. L’an dernier, certains ont allumé un feu dans une cellule de la prison de Nisida et ont ensuite attaqué les agents. Des comportements qui vont au-delà de la simple incompréhension culturelle : « Il faut un certain savoir-faire pour allumer un feu sur du matériel comme les matelas dont nous disposons et rester ensuite dans la douche en attendant que les agents interviennent. Il y a aussi une volonté de transmettre ces “compétences” à d’autres groupes », explique un fonctionnaire du ministère de la Justice.
Dans l’écosystème des instituts pour mineurs, la question de la capacité d’accueil est centrale : chaque cas doit être traité différemment en fonction du délit commis, de la situation de départ et des inclinaisons du détenu. D’autant plus que, pour être condamné à une peine de prison, chose rare dans le système pénal italien pour les mineurs, l’infraction doit être très grave. Ainsi, tous les établissements ont une capacité relativement limitée, aux alentours de 60 places pour les plus grands. Si le nombre de détenus augmente, le travail artisanal et minutieux des agents devient matériellement impossible.
Les politiques du gouvernement ont également aggravé la situation. Un texte approuvé par l’exécutif en septembre dernier a abaissé de neuf à six ans le seuil de la peine permettant la détention préventive. Il a, en outre, durci les sanctions pour les dealers, permettant d’arrêter les mineurs en flagrant délit, ce qui a augmenté le nombre de cas de détention préventive pour les 14-17 ans. Antonio Sangermano, chef du département de la justice des mineurs du ministère, admet l’impact de ce dispositif : « Depuis l’entrée en vigueur du décret, les admissions et la fréquentation moyenne journalière ont objectivement augmenté. On ne peut et on ne doit pas le nier. »
Pour Gemma Tuccillo, le gouvernement devrait intervenir en profondeur : « Un mineur qui complète un parcours de réinsertion est un criminel adulte en moins. Je peux comprendre que ce travail soit coûteux, mais sur le long terme, c’est un investissement pour la sécurité collective. » Pour l’instant, le gouvernement semble plutôt se concentrer sur l’introduction de nouvelles infractions et sur un important durcissement des sanctions.
L’Opinion - le 13 novembre 2024