« Faire de la prison un temps utile et non un lieu d’oisiveté »

La Région Bretagne exerce depuis 2015 une compétence peu connue : la formation professionnelle des détenus. Cela concerne potentiellement les quelque 2 200 personnes incarcérées sur notre territoire auxquelles sont chaque année proposées 500 places dans des dispositifs dédiés.


Pour les uns, cet engagement est contestable et dispendieux. Les fonds utilisés (1,3 million d’euros) leur apparaissent injustifiés car la prison est pour eux d’abord un lieu destiné à punir. Selon un sondage réalisé en 2018, 50 % des Français considèrent ainsi que les personnes détenues sont trop bien traitées. Ils n’étaient que 18 % à le penser en l’an 2000…

Pour les autres, dont nous sommes, il s’agit au contraire d’une responsabilité pouvant contribuer à prévenir la récidive, car elle permet aux détenus de se construire un avenir professionnel. Ainsi en 2024, nous allons expérimenter trois nouvelles offres de formation : le métier de crêpier à Vannes, les métiers du maraîchage et du paysage à Rennes-Vezin, les métiers du bâtiment à Brest et Lorient-Ploemeur.

C’est en effet l’intérêt collectif de considérer que la prison est moins une peine qu’un lieu où s’exécute la peine. Seule la privation de liberté constitue une peine. Alors pourquoi ne pas favoriser l’acquisition de connaissances qui faciliteront une réinsertion professionnelle ?

Bombes à retardement

De fait, nous n’avons rien à gagner à transformer nos prisons en bombes à retardement où les détenus sont contraints de subir des traitements dégradants. Rappelons les chiffres de la surpopulation carcérale en Bretagne : à Saint-Brieuc en janvier dernier, on comptait 167 détenus pour 84 places, à Brest entre 420 et 450 détenus pour 250 places, à Rennes-Vezin près de 900 détenus pour 690 places…

Au plan national, on recense en une seule année 36,5 % de détenus de plus contraints de dormir sur un matelas posé à même le sol ! Ajoutons l’hygiène défaillante, l’absence totale d’intimité générant violences et tensions, l’enfermement vingt-deux heures sur vingt-quatre à deux, voire trois, dans des cellules de 9 m2 – nous sommes loin de l’image relayée avec complaisance du douillet camp de vacances où les journées s’écouleraient agréablement entre ateliers de karting, séances de jeux vidéo et soirées ciné !

N’oublions jamais que ces hommes et ces femmes, un jour, sortiront de détention. Si rien n’a été fait durant leur temps d’incarcération pour préparer leur retour à la vie libre, alors massivement ils récidiveront. Les statistiques sont formelles : si 59 % des détenus feront l’objet d’une nouvelle condamnation dans les cinq années qui suivent leur libération, le ratio chute à 7 % pour ceux d’entre eux qui ont bénéficié d’une formation professionnelle.

Voilà pourquoi nous cherchons à répondre au mieux aux besoins qui se font jour en Bretagne. Notre conviction est que la prison doit être un temps utile et non un lieu d’oisiveté où les détenus sont condamnés à attendre passivement la fin de leur peine. Car préparer ces derniers à leur retour à la société, n’est-ce pas rallumer en eux une lumière pour mieux éclairer leur avenir ?

OUEST-FRANCE - le 6 mai 2024

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