Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, suggère de mettre en place des frais d’incarcération pour financer le fonctionnement des prisons, qui coûte « quasiment quatre milliards d’euros par an ».
Le coût des détenus dans le viseur du gouvernement
— framafad paca corse (@WaechterJp) May 5, 2025
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, suggère de mettre en place des frais d’incarcération pour financer le fonctionnement des prisons, qui coûte « quasiment quatre milliards d’euros par an ». @le_Parisien pic.twitter.com/4kkbQ7i0KR
• Salomé Vincendon
« Les détenus doivent contribuer aux frais d’incarcération », a déclaré le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, lundi soir sur TF 1, annonçant vouloir modifier la loi en ce sens. « Aujourd’hui, le fonctionnement de nos prisons coûte 10 millions d’euros (M€) par jour, quasiment 4 milliards d’euros par an », a-t-il indiqué, ajoutant qu’« il ne s’agit pas de faire payer les 4 milliards aux détenus, bien évidemment, mais une participation aux frais, au service public de la justice ».
« Au Danemark, aux Pays-Bas et en Suisse, des systèmes similaires existent. En Suisse, les détenus doivent payer leur nourriture », appuie auprès de notre journal le député LR Éric Pauget, auteur d’une proposition de loi sur le sujet en 2021, qui applaudit la volonté du ministre. Pour l’élu, « celui qui dort en prison doit financièrement participer à leur entretien, à leur construction et au renforcement de la sécurité des agents pénitentiaires ».
Quel budget pour un détenu ?
Dans un rapport d’octobre 2023, la Cour des comptes estime « qu’en moyenne, une journée d’incarcération en établissement pénitentiaire coûte 105 € par détenu ». Selon le dernier bilan du ministère de la Justice, 81 600 personnes étaient incarcérées au 1 er avril en France, ce qui représente un budget d’environ 8,5 M€ par jour. L’État paye aux détenus le toit et la nourriture : deux repas par jour et un petit-déjeuner. « Mais l’essentiel du coût vient de la masse salariale des surveillants pénitentiaires », précise Melchior Simioni, enseignant chercheur à l’université de Strasbourg, spécialiste de l’économie carcérale.
Ces chiffres englobent des réalités différentes selon les établissements, car « dans ceux qui sont surpeuplés, comme les maisons d’arrêt, il y a peu de surveillants par rapport au nombre de détenus », donc le coût par personne est moins élevé, souligne le chercheur.
Des frais d’incarcération pas encore chiffrés
Le ministre de la Justice a expliqué vouloir remettre en place des « frais d’incarcération », un système qui existait en France jusqu’en 2003. L’article D112 du Code de procédure pénale, abrogé, énonçait que « les détenus participent à leurs frais d’entretien sur le produit de leur travail », selon un montant « fixé chaque année par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice ».
Les personnes participant aux frais seraient donc celles avec un emploi. Mais, d’après l’OIP (Observatoire international des prisons), seulement 30 % de la population carcérale a accès à un travail « payé entre 25 % et 45 % du smic ». « L’administration pénitentiaire a du mal à trouver des emplois pour des détenus », note Melchior Simioni, pour qui « le bénéfice de cette mesure serait donc minime ».
D’autres modes de financement ont déjà été mis sur la table ces dernières années. Fin 2018, des sénateurs proposaient une participation à hauteur de 20 %, soit environ 20 € par jour. Le député Éric Pauget suggérait, lui, en 2021, un tarif de 5 € par jour pour les prisonniers adultes, excluant ceux placés en provisoire et ceux disposant de trop peu de moyens. En incluant les détenus à domicile sous bracelet électronique, l’administration pénitentiaire pourrait récolter 120 M€ par an, estime-t-il, « de quoi construire une prison tous les trois ans ».
Les « indigents » écartés
La proposition de Gérald Darmanin n’est pour l’heure pas chiffrée, le ministère renvoyant aux futurs débats parlementaires sur le sujet. Seraient pour le moment exclus du dispositif les personnes en détention provisoire et les « indigents ». Il s’agit des détenus disposant de moins de 50 € par mois pour vivre. Ils représentent 20 % des personnes incarcérées, selon l’OIP, qui dénonce la proposition du garde des Sceaux. Au-delà des indigents, l’organisme rappelle la précarité générale des personnes détenues : « Plus de la moitié sont sans emploi avant leur entrée en prison, près d’un tiers d’entre elles sont confrontées à une situation d’hébergement précaire et 8 % se déclarent sans domicile ».
L’OIP souligne également que la détention — parfois dans des établissements insalubres et surpeuplés — n’est pas gratuite. « Outre l’achat d’aliments supplémentaires, de produits frais, etc., ils louent leur télévision (14,15 € par mois), leur réfrigérateur (7,50 € par mois), et l’accès au téléphone est largement surtaxé ». Les derniers rapports sur le sujet estiment le coût de la vie en prison à 200 € par mois.
Aujourd’hui en France, le 30 avril 2025