Trois articles (Le Figaro, Aujourd’hui en France et TELERAMA) présentent le documentaire diffusé par France 2 sur la justice restaurative.
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France 2 diffuse un documentaire filmé au cœur des rencontres entre auteurs et victimes d’un même crime.
Justice restaurative : la parole pour apaiser les maux
— framafad paca corse (@WaechterJp) May 5, 2025
France 2 diffuse un documentaire filmé au cœur des rencontres entre auteurs et victimes d’un même crime. pic.twitter.com/ogDDd0Hl3N
• Emmanuelle Litaud
S’apaiser par le dialogue. Voilà l’ambition de la justice restaurative. Ce dispositif sécurisé et encadré, qui existe depuis une dizaine d’années en France, permet à des auteurs de crimes et à des victimes de se rencontrer et de discuter avec, comme but commun, la tentative de se réparer. Mis en lumière dans le film Je verrai toujours vos visages, de Jeanne Herry, le procédé est décrypté en images dans ce documentaire baptisé La Réparation par les auteurs et réalisatrices Isabelle Vayron et Chloé Henry-Biabaud.
Ces dernières connaissent bien le sujet. « Nous avons découvert la justice restaurative en 2013, au cours d’un tournage en Floride pour un projet de film sur la justice américaine, confient-elles. Lors de nos rencontres avec des détenus et avec des victimes, dans un déluge de vies broyées par une justice extrêmement punitive, nous avons été bouleversées par une autre approche. C’est une femme exceptionnelle, Agnes Furey, qui nous a guidées. Après des années de chagrin et de questions sans réponses, elle avait choisi d’entrer en contact avec Leonard Scovens, l’assassin de sa fille et son petit-fils ».
Ils se sont écrit pendant onze ans. Agnes Furey est le fil rouge d’Une autre justice, le premier documentaire d’Isabelle Vayron et Chloé Henry-Biabaud, relatant des initiatives de justice restaurative aux États-Unis et diffusé sur Public Sénat en 2016 alors que ce concept n’en était qu’à ses balbutiements en France.
Les deux femmes ont continué à approfondir le sujet dans ce film, diffusé ce soir sur France 2. Pendant une année, elles ont suivi Marthe, Aurélien, Sylvain et J.-F., incarcérés pour assassinat ou tentative d’assassinat sur conjoint, et Émeline, Évelyne et Marie, victimes de crimes similaires. Tous se sont préparés durant plusieurs mois avant de pouvoir se rencontrer. Amélie, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation, et Séverine, juriste dans une association de victimes à Auxerre, se sont entretenues avec chacun d’entre eux plusieurs fois afin de connaître leurs histoires et leurs attentes. « Je voudrais découvrir et voir si cela peut m’aider dans mes questionnements, mes incompréhensions et mes doutes, explique Marie dont la fille de 34 ans est morte sous les coups de son ex-conjoint un an auparavant. Je suis prête à tout entendre. »
Cheminement psychologique
Quelques mois plus tard, tous se retrouvent pour la première rencontre. Amélie et Séverine sont là pour faire vivre les débats et leur rappeler les règles communes comme le volontariat, la reconnaissance des faits commis ou subis, la confidentialité ou l’absence de remise de peine pour les détenus. La tension monte d’un cran quand chacun expose son cas. « J’ai gâché deux familles, c’est très dur, j’ai beaucoup de haine envers moi-même », confie J.-F. Au fil des séances, la parole se libère peu à peu, tous évoquent leur vie depuis le drame, le manque, la culpabilité, la rancœur ou la douleur, sans être jugé. Le film met en lumière les étapes du cheminement psychologique de chacun et les changements qui apparaissent. « Au travers de ce film, nous pouvons comprendre comment une réparation psychologique peut surgir, individuellement et collectivement, lorsqu’on prend le temps de la rendre possible », expliquent les auteurs. Instructif et bouleversant. E.L.
Le Figaro - le 30 avril 2025
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On verra toujours vos visages
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« Infrarouge : La réparation »
22 h 55 (1 h 5) Documentaire français inédit réalisé par Isabelle Vayron et Chloé Henry-Biabaud.
France 2
On verra toujours vos visages
— framafad paca corse (@WaechterJp) May 5, 2025
« Infrarouge : La réparation » - Documentaire français inédit réalisé par Isabelle Vayron et Chloé Henry-Biabaud diffusé par France 2 @le_Parisien pic.twitter.com/e0GKM9l0dk
- Valentine Rousseau
Ceux qui ont vu le film « Je verrai toujours vos visages », avec Gilles Lellouche, Leïla Bekhti, Miou-Miou, s’apercevront dans ce formidable documentaire qu’il colle à la réalité. Des médiatrices de l’Institut pour la justice restaurative confrontent des victimes de tentatives de meurtre et des auteurs incarcérés. Après trois rendez-vous préparatoires individuels, les voilà une dizaine autour d’une table.
Marthe, 26 ans, a tenté d’éliminer son ex-compagnon. Marie, dont la fille a été assassinée un an plus tôt sous les yeux de son fils de 7 ans, croule sous la douleur. Une femme, restée toute une nuit dans son sang un couteau planté dans le dos, explique qu’elle a « pris perpétuité », sort très peu de chez elle. Les témoignages sont poignants et on reste suspendu aux échanges pleins d’émotion. Le groupe s’écoute, les auteurs revivent leurs actes en regardant les photos des coups portés sur ces victimes qu’ils ne connaissent pas. « On oubliait pourquoi on était en détention, vous nous avez réveillés. » « Je m’attendais à des insultes que j’aurais méritées, je vous remercie du fond du cœur. »
Une victime amnésique de son agression demande à l’un d’arrêter de se flageller. Marie s’est sentie « aidée » et se battra pour son petit-fils. Tous critiquent les procès traumatisants qui les ont mis dans des cases. Auteurs impulsifs ou victimes hystériques. Ces rendez-vous ne réduiront pas les peines de prison, n’effaceront pas les traumatismes, mais les apaisent. Le groupe finit par se faire la bise, partager un goûter, repartir avec des pommes offertes par une victime. Sublime résilience.
Valentine Rousseau
Aujourd’hui en France - le 30 avril 2025
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“La Réparation”, un documentaire poignant où dialoguent victimes et criminels en prison
Pendant un an, Isabelle Vayron et Chloé Henry-Biabaud ont filmé les échanges, au fondement de la justice restaurative, qu’ont eus des victimes des auteurs de crimes à Auxerre. Des paroles dures, captées avec juste distance, à voir sur France 2.
“La Réparation”, un documentaire poignant où dialoguent victimes et criminels en prison sur France 2. Les auteurs ont filmé les échanges qu’ont eus des victimes des auteurs de crimes à Auxerre. Des paroles dures, captées avec juste distance 2.https://t.co/mlETJGegsN
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Cécile Marchand Ménard
«Ma famille et moi sommes détruits. Perdre un enfant, c’est perdre une partie de soi-même. » La voix tremblante, Marie raconte son impossible reconstruction après l’assassinat de sa fille par son compagnon. Un témoignage difficile qu’elle livre à Émeline et Évelyne, victimes de violences conjugales… mais aussi à Marthe, Aurélien, Sylvain et JF, incarcérés pour homicide ou tentative d’homicide sur conjoint. Assis en cercle dans une unité de la maison d’arrêt d’Auxerre, dans l’Yonne, ils participent à un dispositif de justice restaurative. Un processus complémentaire à une procédure pénale classique, qui met en relation auteurs et victimes d’infraction, qu’ont suivi pendant un an les réalisatrices Isabelle Vayron et Chloé Henry-Biabaud.
Dans La Réparation, elles filment avec juste distance leurs entretiens préparatoires, puis les échanges collectifs, où s’expriment les désaccords et où émerge aussi, progressivement, une compréhension mutuelle. Un documentaire poignant et éclairant, fruit de près de dix ans de préparation, d’argumentation auprès des institutions et des diffuseurs… « Nos interlocuteurs ont pu craindre que nous adoptions une approche sensationnaliste, ou que nous puissions avoir un regard naïf sur ces mesures. En voyant notre précédent film, Une autre justice, sur la correspondance entre une femme et le meurtrier de sa fille et de son petit-fils aux États-Unis, ils ont compris que ce n’était pas un sujet nouveau pour nous », se souvient Isabelle Vayron.
Avant de tourner la moindre séquence, les deux réalisatrices ont longuement suivi les dispositifs de justice restaurative précurseurs mis en place à Avignon — comme l’avait fait Jeanne Herry, réalisatrice de la délicate fiction Je verrai toujours vos visages, consacrée à la même thématique. C’est finalement à Auxerre qu’elles ont posé leur caméra pendant quatre saisons, aux côtés d’Amélie et Séverine, médiatrices. « Elles ont été nos relais auprès des participants. Lorsqu’elles les ont contactés, elles leur ont demandé s’ils acceptaient d’être filmés et leur ont transmis une lettre qui expliquait notre démarche. Nous ne voulions pas peser sur le dispositif, donc si l’un d’eux avait refusé, nous n’aurions pas tourné », précise Chloé Henry-Biabaud.
Certains nous ont dit qu’ils avaient oublié les caméras.
Isabelle Vayron, coréalisatrice
Un consentement indispensable pour recueillir des prises de parole dures et intimes. Dans une séquence, Marie relate la façon dont elle a appris le décès de sa fille de 34 ans. Dans une autre, Marthe raconte le jour où elle a tenté de tuer son compagnon, craignant qu’il la prive de sa fille… Des témoignages bruts, captés grâce à une présence discrète. « Dans la justice restaurative, tout est tellement protocolaire, pensé pour ne pas mettre les participants en inconfort ; il était hors de question d’interférer. Nous n’avons pas réalisé d’interviews, par exemple », explique Isabelle Vayron. « Nous arrivions sur les lieux en amont, placions les caméras, les éclairages, puis nous ne bougions plus, complète Chloé Henry-Biabaud. Ce qui se joue dans ces rencontres est trop précieux pour prendre le risque de distraire l’attention des protagonistes avec des caméras mobiles ou une perche pour la prise de son. Tout le monde était équipé de micros. »
« Certains nous ont dit qu’ils avaient oublié les caméras, relève Isabelle Vayron. Nous ne pourrons jamais savoir si notre présence a changé quelque chose à ces séances. Mais, après un certain temps, tous ont compris que nous étions là pour filmer ce qui se joue dans leurs échanges, et pas des cas particuliers. » En suivant ce collectif sur le temps long, les deux réalisatrices ont ainsi pu saisir ses évolutions. Dans les salles aseptisées où ont lieu les rencontres individuelles et les moments collectifs, c’est sur les visages — quasi systématiquement visibles — que les progrès se notent. Lorsque Marie, Sylvain ou Émeline relatent les bénéfices qu’elles tirent de ces conversations, les expressions concernées d’Amélie et Séverine, silencieuses mais soucieuses, sont filmées au plus près.
Des cadrages resserrés qui permettent de saisir avec justesse le rôle central de l’écoute inconditionnelle dans les dispositifs de justice restaurative. « Ces personnes qui ont eu affaire à la justice ont rarement pu exprimer leur ressenti à quelqu’un qui les a regardées, écoutées, sans intervenir, sans juger, sans formuler d’injonction, note Isabelle Vayron. Une écoute empathique sans jugement permet de libérer une autre parole »… et participe à apaiser et réparer, les auteurs comme les victimes.
La Réparation, mercredi 22.55 France