« La prison est un service public » : quand le garde des Sceaux veut  faire payer les détenus

Gérald Darmanin s’est découvert une passion pour la pénitentiaire. Sans doute est-ce son tropisme “ministère de l’Intérieur”. Mais il ne suffit pas de lancer une idée par jour, il faut aussi réussir à les traduire en droit.

L'article du Figaro, publié le 30 avril 2025, traite de la proposition du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, de faire payer des frais d'incarcération aux détenus définitivement condamnés, à l'exception des prévenus et des indigents. Cette idée s'inspire de systèmes existants dans certains pays européens comme le Danemark, les Pays-Bas, et la Suisse, et avait déjà été proposée par des députés français, dont Éric Pauget et Christophe Naegelen.

Darmanin s'appuie sur l'idée que la prison est un service public et que, comme pour d'autres services, les utilisateurs devraient contribuer financièrement. Les détenus disposent souvent de comptes bancaires pénitentiaires alimentés par leurs salaires, les mandats de leurs proches, et parfois des prestations sociales. Les modalités de cette contribution restent à définir, mais des propositions incluent un forfait journalier basé sur les revenus et le patrimoine des détenus, voire une taxation des familles ayant bénéficié des méfaits des détenus.

Les parlementaires et Darmanin envisagent cette mesure comme une incitation au travail et à la réinsertion, avec des fonds potentiellement utilisés pour améliorer les infrastructures pénitentiaires. Cependant, des questions de faisabilité et d'équité subsistent, notamment concernant les détenus étrangers. Les syndicats restent réservés, craignant des complications administratives et une aggravation des trafics en prison.L'article discute de la proposition du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, de faire participer les détenus aux frais d'incarcération. Cette idée, inspirée par des systèmes existants au Danemark, aux Pays-Bas, en Suisse et en partie en France jusqu'en 2003, vise à ce que les détenus contribuent financièrement à leur séjour en prison, à l'instar des utilisateurs des transports ou des hôpitaux qui paient un reste à charge.

Darmanin s'appuie sur deux propositions de loi : celle du député Christophe Naegelen, qui suggère un forfait journalier basé sur les revenus et le patrimoine des détenus, et celle d'Éric Pauget, qui préconise une contribution fixe. Les fonds récoltés pourraient être utilisés pour la réfection et la construction de nouvelles prisons.

Cependant, cette initiative soulève des questions sur sa faisabilité et son impact potentiel sur les trafics en prison. Les syndicats et certains directeurs de prison expriment des réserves, craignant que cela n'aggrave les problèmes existants.

Darmanin, connu pour son approche ferme, continue de défendre cette idée malgré les critiques, affirmant que la prison est un service public auquel les détenus doivent contribuer financièrement.


• Paule Gonzalès

Et, contrairement à ce qu’il croit, ce n’est pas toujours si simple. » C’est par ces mots qu’un haut magistrat commente la dernière annonce « disruptive » du ministre de la Justice, qui enchaîne les sorties médiatiques.

Après avoir dit sa volonté de confisquer les téléphones portables des consommateurs de stupéfiants, la semaine dernière, il annonce désormais son désir de faire participer les détenus définitivement condamnés - à l’exception des prévenus et des indigents, donc - à des frais d’incarcération. Il s’appuierait pour cela sur deux propositions de loi existantes : celle du groupe Liot, défendue par le député des Vosges Christophe Naegelen, et celle du député LR des Alpes-Maritimes Éric Pauget. Avant eux, l’idée avait déjà été avancée par Éric Ciotti, lorsqu’il était encore chez les Républicains.

« Le système existe au Danemark, aux Pays-Bas, en Suisse en partie, et fait l’objet d’une réflexion en Espagne et en Italie. Il a aussi existé en France jusqu’en 2003 pour les détenus qui travaillaient. Ce n’est donc pas une idée saugrenue », défend Éric Pauget, dont la proposition de loi remonte à 2021. Son initiative avait été sèchement balayée par Éric Dupond-Moretti, qui fulmine toujours à cette idée. En France, alors que le système existait par la vertu d’un décret, il a en effet été abrogé en 2003 par amendement sénatorial lors du vote de la loi dit Perben 1. En effet, seuls étaient assujettis ceux qui travaillent en prison. Or, la majorité sénatoriale refusait que les détenus qui font un effort de réinsertion soient obligés de payer pour ceux qui ne font rien.

Les parlementaires, comme Gérald Darmanin, défendent aujourd’hui « l’idée que la prison est un service public. Aussi, comme tout utilisateur des transports ou de l’hôpital qui s’acquittent d’un reste à charge, les détenus doivent payer un ticket modérateur. Après tout, il y a de l’argent en prison, certains arrivent même à cantiner des petits frigos ! », souligne le député Pauget.

« C’est vrai, il y a de l’argent dans la pénitentiaire », souligne un directeur de prison. Pour chaque détenu qui arrive en détention, un compte est ouvert, sur lequel s’accumulent les salaires en cas de travail en détention, mais aussi les mandats des proches pour cantiner et éventuellement les prestations sociales, comme la retraite ou le RSA. C’est sur ces comptes, qui peuvent « monter jusqu’à 500 000 euros dans les banques pénitentiaires de certains établissements », que sont prélevées les sommes souvent symboliques versées aux parties civiles, si les détenus le veulent bien.

Il faudra désormais définir les modalités d’une telle « contribution », ce que n’a pas encore fait la Chancellerie. Ce sera le cœur de la discussion entre le garde des Sceaux et les parlementaires. Dans son projet, Christophe Naegelen propose « un forfait journalier en fonction des revenus et du patrimoine, jusqu’à 25 % maximum du compte bancaire pénitentiaire ». Le député des Vosges envisage également de « taxer le patrimoine si nécessaire. Voire, pourquoi pas, les familles, dès lors qu’ils ont bénéficié des fruits des méfaits de leurs proches. Cela exige d’être très encadré ». En ligne de mire : les narcotrafiquants, qui ont souvent de gros patrimoines, mais rien à leur nom. Un point repris par Gérald Darmanin, mardi après midi dans l’Hémicycle, mais qui pose de lourdes questions de faisabilité.

De son côté, Éric Pauget - qui veut que « le dispositif soit une incitation à travailler, pour les indigents, justement, dans le cadre de leur réinsertion » -, préfère une contribution fixe : « En sachant que le coût journalier d’un détenu est compris entre 90 et 130 euros, un ticket modérateur de 5 euros par détenu et par jour permettrait de récupérer 100 millions par an, soit 500 millions sur le quinquennat », calcule le député des Alpes-Maritimes, qui y voit des sommes dès lors dévolues « à la réfection et à la construction d’établissements pénitentiaires ». Le député bute cependant sur une vaste question, celle des détenus étrangers : « Il serait indigne que les détenus français paient leur séjour et pas les étrangers, alors qu’ils représentent 25 % de la population pénale. Peut-être faut-il imaginer d’envoyer la facture aux États concernés. »

De leur côté, les organisations syndicales demeurent dans une prudente réserve. Beaucoup redoutent que le système n’engendre une usine à gaz et aggrave la question des trafics à l’intérieur des détentions. P. G.

Le Figaro - le 30 avril 2025

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