Menaces - Le poison de la corruption

Les affaires impliquant des surveillants, parfois menacés, se sont multipliées ces dernières années


• Nicolas Jacquard

Le directeur du centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) condamné à quatre ans de prison en 2023. Six surveillants de Réau (Seine-et-Marne) mis en examen en 2024, et cinq autres d’Osny (Val-d’Oise) en début d’année. Une surveillante de Gradignan (Gironde) jugée le mois dernier et une enquête ouverte visant une stagiaire à la prison de Grasse (Alpes-Maritimes), comme révélé par notre journal : les dossiers de corruption dans la pénitentiaire se succèdent à mesure que la capacité de nuisance des détenus s’accroît. Et que dire de ces 40 000 portables saisis l’an dernier en détention, dont tous ne sont pas entrés par les parloirs ou par projection… Sur les réseaux sociaux, Snapchat et TikTok en premier lieu, on ne compte plus les détenus se mettant en scène un joint à la main, se vantant crânement d’avoir un surveillant à leur botte.

« La pression est récurrente, détaille un agent d’une maison d’arrêt du Sud-Est. Mais, à titre personnel, on ne m’a jamais menacé. Le plus souvent, c’est beaucoup plus insidieux. On te teste en permanence, l’air de rien, parfois sur le ton de la plaisanterie, pour voir si tu vas craquer. Si tu cèdes une fois, c’est terminé. » Si les surveillants ont appris à être vigilants et observateurs, « les détenus, surtout les gros voyous, le sont vingt fois plus que nous, dit un ancien de la pénitentiaire. Leur talent, c’est de manipuler les gens. Ils savent repérer vos fragilités et s’y engouffrer. » Pour ne pas donner prise, il n’y a qu’une seule règle, selon le même : « Être attentif et droit dans ses bottes. Il ne faut jamais leur rendre service. Toutes les demandes doivent être formalisées par écrit. »

Derrière les affaires médiatiques, la réalité de la corruption en prison demeure difficile à évaluer. Si le phénomène est par nature flou et tabou, « au fil des années, c’est devenu un vrai problème, déplore un cadre pénitentiaire. On a trop fermé les yeux. On ne voulait pas voir cette vérité ». À la racine, le même pointe un recrutement longtemps au rabais. « Faute de candidats, il y a eu plusieurs années où les notes n’étaient plus éliminatoires », regrette-t-il. Certes, la notation ne fait pas la probité, « mais le constat, c’est qu’à un moment, on a fait n’importe quoi en termes d’embauche ».

Sur le papier, les enquêtes de moralité sont censées vérifier la vertu des candidats. Leur fiabilité peut laisser à désirer. Parfois, elles se font à retardement. Une autre source évoque ainsi le cas d’un agent ayant passé le concours à Mayotte avant d’être affecté à une maison centrale en métropole. Il était comorien et muni de faux papiers.

« Il faut choisir son camp »

« La corruption, on sait que ça existe, admet Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat Ufap-Unsa. Mais, quoi qu’on en pense, elle reste marginale. » Selon l’administration pénitentiaire, entre 2018 et 2024, 25 sanctions disciplinaires ont été prises à l’encontre d’agents pour des faits de cette nature, dont 22 révocations. Tous avaient été condamnés pénalement. Mais, par définition, ce chiffre exclut les agents qui ont préféré démissionner en anticipant leur mise à l’écart.

« À un moment donné, gendarme ou voleur, il faut choisir son camp, dit un syndicaliste. Tu peux pas faire une mi-temps de chaque côté. » Afin de s’assurer que ses troupes choisissent la bonne équipe, l’administration a lancé depuis 2019 un vaste plan, en commençant par instaurer une « mission du contrôle interne ». Déjà, 127 formateurs aux « risques corruptifs » ont formé un peu moins de 2 000 membres du personnel grâce à plusieurs outils novateurs, dont des mises en situation concrètes.

Aujourd’hui en France, le 20 avril 2025

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