Les centres de rétention enferment toujours plus

IMMIGRATION Les cinq associations œuvrant au sein des CRA ont rendu un rapport annuel alarmant sur la situation des exilés retenus. Elles appellent les « gouvernements au respect des droits fondamentaux».


Les cinq associations qui interviennent au sein des centres de rétention administrative (CRA) - Forum Réfugiés-Cosi, France Terre d'asile, l'Assfam, la Cimade et Solidarité Mayotte - ont publié, ce 29 avril, leur rapport annuel. Il met en lumière, cette année encore, des problématiques persistantes et aggravées par les dernières évolutions législatives faisant de la rétention administrative un outil de la poli tique répressive à l'égard des étrangers.


En 2024, 16228 personnes ont été enfermées dans les CRA de France hexagonale et 24364 dans les outre-mers, dont plus de 1800 mineurs, et ce malgré plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme.


D'autant que la grande majorité de ces personnes, enfermées dans le but de les expulser du territoire, sont restées en France: 57,61 % de celles qui sont passées par l'un des CRA de la France métropolitalne ont finalement été libérées par la justice ou par l'administration elle-même.


UN PROJET DE LOI OUI INQUIETE

Alors que les précédents bilans annuels des associations montrent tous que près de 80 % des éloignements effectifs ont lieu dans les 45 premiers jours, la durée moyenne de maintien en rétention a encore augmenté, atteignant 32,8 jours en 2024, contre 28,5 jours en 2023. « En 2020, les personnes restaient enfermées en moyenne 16,7 jours; en quatre années seulement, la durée moyenne en rétention a donc doublé», précisent les auteurs du rapport.

Et cela ne risque pas de s'arranger. La durée d'enfermement maximale est désormais de 90 jours mais, à peine nommé ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau a proposé de l'allonger encore jusqu'à 210 Jours. Le 18 mars, les sénateurs ont adopté une proposition de loi en ce sens.


C'est pourtant, compte tenu des chiffres, une absurdité humaine mais aussi financière. Le document publié par les associations rappelle le coüt très élevé de cette politique, atteignant, en 2024, selon la Cour des comptes, 602 euros par jour et par personne retenue.


Les données diffusées par les associations semblent d'ailleurs gêner cette même majorité sénatoriale, au point qu'une proposition de loi déposée par la sénatrice « Les Républicains» Marie-Carole Ciuntu visant à écarter les associations des CRA doit être examinée le 12 mai. Elle a pour objectif de confier « le rôle d'information sur l'ace au droit de l'étranger» à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, c’est-à-dire au ministère de l’Intérieur.


Pour Fanélle Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade, cette proposition de loi a surtout pour objectif d'« amoindrir les capacités des personnes à exercer leurs droits, notamment !es recours qui sont prévus par le droit constitutionnel», et d' « empêcher les associations dans leur rôle de vigie et de témoignage de ce qui se passe à l'intérieur de ces murs. C'est très grave démocratiquement».


TRAITEMENTS !NHUNAINS


CHARTE DE MARSEILLE POUR UN JOURNALISME ÉTHIQUE

Les assises méditerranéennes du journalisme ont prévu de dévoiler, le 29 avil, une "charte pour une couverture médiatique des migrations, dons le respect de l’éthique et de la déontologie journalistique», dite « charte de Marseille». L’Humanité en est signataire. Cet outil de déontologie doit guider les professionnels de l’information vers une couverture plus « éthique, précise et respectueuse des questions migratoires».

À travers 11 articles, elle veut les inciter au respect de la dignité des migrants, à la lutte contre les stéréotypes et à l’évaluation des pratiques joumalistiques sur la question.

Le rapport 2024 des associations est d'ailleurs alarmant de ce point de vue. On y lit, par exemple, le calvaire d'une personne retenue ayant pourtant déclaré vouloir rentrer dans son pays d'origine par ses propres moyens. Enfermé au CRA de Lyon 2, l'homme a tenté de se pendre mais, une fois secouru, n'a pas été emmené à l'hôpital. Les agents de la police aux frontières chargés de sa surveillance ont choisi de le placer à l'isolement. La justice a bien fini par le libérer mais la cour d'appel a infirmé la décision ordonnant son retour au CRA. Il a finalement été expulsé quelques jours plus tard.


Une personne paraplégique a, pour sa part, été placée en garde à vue puis enfermée au CRA de Strasbourg (Haut-Rhin) sans que les policiers ne prennent, au moment de l'interpellation, son fauteuil roulant. Complètement privée de mouvement, « ses faits et gestes du quotidien sont rendus possibles grâce à la solidartté des autres personnes enfermées», expliquent les associations. Elle a fini par être libérée à la suite de l'alerte du médecin du CRA.


Ces traitements inhumains mènent parfois à des drames. Le rapport des associations évoque quatre décès, en 2024. Pour ces auteurs,« ces décès mettent en lumière les alertes des cinq associations depuis plusieurs années quant à l'état de santé physique et mentale des personnes enfermées en CRA, et aux effets dramatiques de l'enfermement administratif».•

EMILIEN URBACH

L’Humanité, le 29 avril 2025

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