Vaste coup de filet après les attaques de prison

Vingt-cinq personnes ont été interpellées ce lundi dans le cadre de l’enquête sur les violences ayant visé des établissements pénitentiaires et du personnel. Leurs profils renforcent l’hypothèse d’actions pensées par des narcotrafiquants en guerre contre l’État.


Jean-Michel Décugis, Jérémie Pham-Lê et Vincent Gautronneau

Quatre-vingt-seize heures pour faire la lumière sur DDPF, pour « Défense des droits des prisonniers français ». Depuis le 13 avril, ce mystérieux groupuscule revendique de nombreuses attaques ayant visé des prisons un peu partout en France. Après deux semaines d’investigations sensibles, sous pression politique et médiatique, un vaste coup de filet a permis ce lundi l’interpellation de 25 membres présumés de ce groupe criminel.


Les policiers ont désormais quatre jours face aux suspects pour confirmer leur principale hypothèse de travail : celle menant à des actions violentes pensées par des narcotrafiquants de premier plan. Coordonnées par la sous-direction antiterroriste, les interpellations — menées par les BRI ou la section antiterroriste de la PJ parisienne — ont notamment eu lieu en Seine-et-Marne, dans les Hauts-de-Seine, en Seine-Saint-Denis, dans la Drôme, le Gard, les Bouches-du-Rhône, ou encore dans le Rhône.

Un jeune de 17 ans arrêté dans le Val-d’Oise

Ces premières arrestations interviennent dans le cadre de l’enquête pilotée par le Parquet national antiterroriste (PNAT) et ouverte notamment des chefs d’« association de malfaiteurs terroriste criminelle », « dégradation de biens », « menaces de mort » et « tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Une dernière qualification inédite dans ce type de dossiers.

Ces attaques massives et coordonnées pourraient ainsi entrer dans la définition de « terrorisme par intimidation », a récemment souligné le procureur national antiterroriste. Certains faits reprochés à DDPF sont en effet extrêmement graves : des tirs de kalachnikov contre la prison de Toulon-La Farlède ; l’incendie du véhicule d’un agent pénitentiaire d’Aix-Luynes en pleine nuit devant son domicile personnel ; l’attaque — par erreur, les assaillants ayant cru viser le domicile d’une gardienne de la prison de Lyon-Corbas — d’une maison dans l’Isère…

Selon des sources concordantes, la majorité des suspects interpellés ce lundi ont le profil de petites mains recrutées sur les réseaux sociaux. Certains, comme un jeune de 17 ans arrêté dans le Val-d’Oise, sont mineurs. D’autres, comme deux Marseillais qui seraient impliqués dans des faits commis dans le sud de la France, sont de très jeunes majeurs. La majeure partie des 25 suspects sont connus de la justice pour des délits mineurs comme du trafic de stupéfiants. Certains étaient même déjà en prison, d’autres sous bracelet électronique. Parmi les suspects, au moins cinq d’entre eux ont en effet été extraits des prisons, notamment à Luynes et au Pontet, où ils étaient déjà incarcérés.

Selon des sources concordantes, l’un d’entre eux est considéré comme proche de la DZ Mafia. Ces détenus ne sont pas considérés comme les commanditaires par les policiers, mais auraient joué le rôle de logisticiens et de « recruteurs » d’exécutants. Autant de profils qui rappellent ceux prisés des narcotrafiquants, notamment pour trouvrer des tueurs.

Peu expérimentés, loin d’être des criminels aguerris, de nombreux suspects interpellés ce lundi ont ainsi laissé beaucoup de traces et d’indices derrière eux. Les auteurs des tirs contre la prison de Toulon n’ont par exemple pas incendié le véhicule volé qu’ils avaient abandonné à Marseille. À Valence, c’est la trottinette utilisée par l’incendiaire de voitures de surveillants qui a permis de le confondre. Un mode d’action qui ne correspond pas aux méthodes de l’ultra-gauche, alors que le groupe exprimait sur un canal Telegram de prétendues revendications pro-droits de l’homme et en faveur de la dignité des conditions de vie des détenus pour justifier ses attaques.

La mise en scène de ces attaques coordonnées laisse, elle aussi, entrevoir la piste d’actions imaginées par des narcotrafiquants. Les petites mains de DDPF se sont par exemple filmées, tirant sur des maisons au fusil d’assaut, en appelant les internautes à livrer des informations sur des surveillants pénitentiaires ou directeurs de prison contre 1 000 € à 5 000 € selon le grade. Une médiatisation rappelant celle mise en œuvre par la DZ Mafia marseillaise devenue un cartel national. Le clan revendique puis diffuse ses coups de force contre des quartiers rivaux sur les réseaux sociaux. Dans un communiqué, ce lundi matin, le PNAT évoque d’ailleurs des faits « susceptibles de s’inscrire » dans un « contexte de très grande criminalité organisée ».

Les téléphones pourraient « parler »

Les enquêteurs ont désormais quatre-vingt-seize heures pour valider définitivement cette piste. Selon des sources concordantes, ils craignent toutefois de ne pas apprendre grand-chose de la part des suspects quant à l’organisation réelle de DDPF, la plupart d’entre eux ne connaissant sans doute pas l’identité de leurs employeurs. Toutefois, de nombreux téléphones saisis ce lundi pourraient, eux, parler et permettre de remonter jusqu’à des commanditaires et confirmer l’implication de trafiquants de haut niveau.

Ces derniers, inquiets du durcissement du régime carcéral et de l’ouverture très prochaine de prisons sécurisées les regroupant, se seraient ainsi mis à imiter les codes des groupes terroristes afin de tenter de faire pression sur l’État.

Aujourd’hui en France, le 29 avril 2025

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