Alors que la piste des narcotrafiquants a été confirmée, 30 personnes ont été interpellées entre lundi et mercredi lors d'un vaste coup de filet dans toute la France. Certaines ont été relâchées sans poursuites à ce stade.
Attaques contre des prisons : ce que l'on sait de l'enquête, dans laquelle 21 suspects ont été mis en examen
— framafad paca corse (@WaechterJp) May 5, 2025
La piste des narcotrafiquants a été confirmée. Les investigations progressent sur le groupe Défense des droits des prisonniers français (DDPF)https://t.co/ktoUZKeLKR
Les investigations progressent sur le groupe Défense des droits des prisonniers français (DDPF), qui a revendiqué la série d'attaques menée depuis mi-avril contre des prisons, des agents de l'administration pénitentiaire, leurs domiciles et leurs véhicules. Vingt-et-un suspects ont été mis en examen, vendredi 2 mai, à Paris, et la plupart incarcérés, alors que les enquêteurs sont désormais convaincus que des narcotrafiquants se trouvent derrière ces actions, ce qui a poussé le Parquet national antiterroriste (Pnat) à se dessaisir. Franceinfo revient sur les derniers rebondissements de l'enquête.
Trente interpellations entre lundi et mercredi
Le 23 avril, Bruno Retailleau avait annoncé le recensement d'une soixantaine de faits, menés contre des centres pénitentiaires ou des agents, en dix jours. Le ministre de l'Intérieur avait prévenu que "le paquet" serait mis pour faire avancer les investigations, qui ont mobilisé plus de 300 enquêteurs sur l'ensemble du territoire national. Cinq jours plus tard, un vaste coup de filet a été mené un peu partout en France, en coordination avec la sous-direction antiterroriste, la BRI (brigade de recherche et d'intervention) nationale, le Raid.
Au total, 30 personnes ont été interpellées entre lundi et mercredi, ont souligné vendredi le Pnat et la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), qui dépend du parquet de Paris. Sept d'entre elles ont été laissées libres.
Vingt-et-un suspects, dont deux mineurs
Vingt-et-un suspects ont été présentés à des juges d'instruction en vue d'une mise en examen, notamment pour "tentative de meurtre en bande organisée", "dégradations et destruction par un moyen dangereux" et "association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes et de délits". Parmi eux, sept sont déjà en prison et deux sont mineurs. Dans la soirée, tous ont été à tour de rôle mis en examen.
Une source proche du dossier affirme à franceinfo que deux personnes interpellées lundi en Isère, lors de l'opération menée dans toute la France, sont mises en examen depuis mercredi. Il s'agit d'un mineur et d'un majeur, contrôlés avec une troisième personne à bord d'une voiture qui contenait un jerrican d'essence à 200 mètres de la prison de Varces. Selon cette source, il s'agit de petites mains, utilisées par un ou des commanditaires.
La piste terroriste écartée, celle de la "grande criminalité" privilégiée
A l'issue de ce vaste coup de filet, la piste "d'une entreprise terroriste" est écartée. "Il n'apparaît pas que ces actions coordonnées procèdent d'une entreprise terroriste dont l'objet aurait été la commission d'infractions ayant pour seul but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur", développent le Pnat et la Junalco. "Aucune idéologie radicale violente, aucune ingérence étrangère, pistes pleinement explorées, n'ont pu être caractérisées", précisent-ils.
Par conséquent, le parquet antiterroriste s'est dessaisi au profit de la Junalco, "exclusivement compétente pour les faits relevant de la très grande criminalité organisée". C'est elle qui a ouvert une information judiciaire vendredi. La procureure de la Junalco, Laure Beccuau, s'exprimera lors d'une conférence de presse, samedi, à 11 heures.
"Un mode opératoire similaire" et "déployé de façon répétée" a permis aux enquêteurs de privilégier la piste des narcotrafiquants, selon les enquêteurs. Il "correspond" à celui "employé par les organisations criminelles pour faire exécuter des missions pour leur compte". "A partir d'un mot d'ordre d'action donné par l'instigateur du mouvement 'DDPF' sur une chaîne Telegram, des offres d'actions ont été diffusées et relayées sur les réseaux sociaux, des exécutants ont été recrutés et sont passés à l'acte, moyennant une rémunération significative", détaillent le Pnat et la Junalco.
Des membres de la DZ Mafia identifiés comme donneurs d'ordre
Comme le révélait franceinfo dès lundi, au moins quatre des personnes interpellées se considèrent comme appartenant à l'organisation criminelle marseillaise de la DZ Mafia. D'après une source proche du dossier, un détenu de 22 ans, mis en examen pour assassinat depuis 2023, a été extrait de sa cellule de la maison d'arrêt d'Avignon (Vaucluse) pour être entendu en garde à vue. Il est soupçonné de faire partie des donneurs d'ordre de cette série d'attaques.
Il s'agit de "celui qui est susceptible d'être le créateur du premier compte Telegram intitulé 'DDPF' et rédacteur du texte de revendication diffusé sur cette chaîne", confirment le Pnat et la Junalco. Condamné pour des infractions de droit commun, il doit être bientôt "jugé pour des faits liés au narcobanditisme marseillais, proche de la DZ Mafia". Telegram a supprimé le groupe DDPF et ses contenus après la publication de vidéos et menaces.
"Les investigations ont également permis d'identifier trois relais probables des actions violentes de 'DDPF', également inscrits dans la grande criminalité, également détenus", poursuivent le Pnat et la Junalco. Les deux instances précisent qu'"ils se seraient institués en donneurs d'ordre en désignant des cibles, manifestement choisies parmi les agents et établissements pénitentiaires de leur connaissance, et auraient sollicité des relais hors les murs, pour recruter des exécutants, parfois leur donner les moyens d'agir, et les rémunérer à cette fin".
Une procédure distincte à Lyon
Par ailleurs, dans le cadre d'une autre enquête en cours à Lyon, un adulte et un mineur ont été présentés vendredi devant un juge d'instruction. Le magistrat est "territorialement compétent" car dans cette affaire, bien que les faits soient similaires, "les liens avec l'enquête principale n'ont pu être mis en évidence".
A l'inverse, les faits commis à Tarascon (Bouches-du-Rhône) le 16 avril et à Villefontaine (Isère) les 17 et 21 avril, qui faisaient l'objet de procédures distinctes, sont joints à l'enquête principale, "à raison des liens mis en évidence ».