Comment la France pourrait louer des places de prison à l’étranger

Interrogé mardi soir sur TF 1 sur cette éventualité, Emmanuel Macron s’y est dit favorable.


• Louis Valleau

Voilà déjà plus de deux heures qu’Emmanuel Macron s’exprime sur TF 1. Il est 22 heures passées ce mardi quand le maire de Béziers Robert Ménard (Hérault) l’interpelle sur les questions de sécurité et la surpopulation carcérale.

« Pourquoi vous ne me dites pas : je vais louer des places de prison en Espagne et en Allemagne ? » l’interroge l’édile. Réponse : « On louera si besoin était les places de prison là où elles sont disponibles », y compris à l’étranger. « Il n’y a pas de tabou là-dessus. » En se disant en faveur d’une telle mesure, le président de la République se place dans le sillage de son ministre de la Justice Gérald Darmanin. Ce dernier, dans un entretien accordé au « JDD » mi-mars, avait dit « suivre cela de près » et « chercher des pays à visiter dans cette optique ». « C’est une solution que j’étudie et pour laquelle je n’ai pour le moment aucun contre-avis juridique », avait-il affirmé.

Emmanuel Macron n’a donné aucune précision sur de potentiels pays d’accueil, le nombre ou le type de détenus concernés, le modèle juridique et le financement. Ces points sont à l’étude.

Une piste en Europe de l’Est

L’Espagne et l’Allemagne, comme évoquées par Robert Ménard, sont-elles des pays possibles ? Pas forcément en l’état, même si le gouvernement n’est « fermé sur rien », selon un proche du sujet. D’après nos informations, l’Europe de l’Est est aujourd’hui une piste de travail.

Si la France faisait ce choix, elle ne serait pas la première. De 2010 à 2016, la Belgique a franchi le pas en louant 650 places de prison à son voisin hollandais. Celles-ci étaient proches de la frontière entre les deux pays, le personnel était en majorité néerlandais. Les Pays-Bas assuraient le transfert des détenus, soumis au régime pénitentiaire belge. Coût en six ans : 300 millions d’euros, selon la Radio-télévision publique belge. Fin janvier, la Suède s’est dite prête à suivre l’exemple, anticipant la pression sur ses établissements pénitentiaires. Le Danemark et le Kosovo, eux, ont signé en 2021 un accord pour la location de 300 places à Gnjilane (Kosovo) : cela concerne les « criminels étrangers condamnés à l’expulsion », selon le ministère de la Justice danois.

Sans surprise, une telle disposition en France fait débat. « Quand on en arrive à être obligé de louer des places de prison, c’est que nous sommes tombés bien bas », regrette auprès de notre journal la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot.

Étienne Noël, avocat au barreau de Rouen, spécialisé en droit pénal et en droit pénitentiaire, pointe « deux inconvénients ». Premièrement, la question de « l’éloignement » des détenus de leurs proches. Deuxièmement, « saisir un juge d’application des peines à l’étranger » serait complexe, tout comme les échanges entre le détenu et son avocat français. D’après lui, le « cadre actuel » ne permettrait pas de mettre en place ce transfert à l’étranger. Cela passerait-il par une proposition de loi ? « Pas forcément », rétorque un bon connaisseur du sujet. Un des nombreux points encore à trancher.

Aujourd’hui en France - le 15 mai 2025

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