En prison aussi, ils préparent le Code de la route

Depuis plus de dix ans, les bénévoles de l’Association générale des intervenants retraités préparent les détenus de Vezin-le-Coquet (Ille-et-Vilaine) à l’examen du Code de la route.


• Cécile RAOUL

« Activité Code de la route ! Activité Code de la route ! » Lundi, 13 h 56, une voix aux accents robotiques résonne dans les couloirs du centre de détention pour hommes de Vezin-le-Coquet (Ille-et-Vilaine).


Ni une ni deux, quelques détenus prennent place dans une petite pièce très sommaire du secteur d’activités. Ils sont accueillis par Claudine, 74 ans, et Alain, 63 ans, bénévoles de l’Association générale des intervenants retraités (AgirAbcd). « On va faire une série classique de quarante questions, d’accord ? » annonce Claudine à son auditoire. « C’est parti ! » lance l’un des détenus, les yeux rivés sur un écran de télévision.

« Les aider à sortir de la délinquance »

Déjà plus de dix ans qu’AgirAbcd anime des sessions du Code de la route. Une activité aussi menée au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, mais interrompue depuis septembre dernier jusqu’à la rentrée prochaine, le matériel pédagogique n’ayant « pas été budgétisé », précise Tiphaine Pedron, cheffe d’antenne du Service pénitentiaire d’insertion et de probation du département (SPIP 35).

Le but ? Aider les détenus à décrocher l’examen théorique du permis de conduire. Un sésame qu’ils peuvent obtenir, sous conditions, avant d’avoir exécuté la totalité de leur peine. Pour cela, ils devront demander une permission de sortir et se rendre dans un centre agréé.

« S’ils sont dans les conditions légales, ils peuvent aussi avoir des permissions pour les cours de conduite et passer l’examen final, indique Tiphaine Pedron. Notre objectif, c’est de lutter contre la récidive. Aider les personnes à être plus mobiles à leur sortie, c’est les aider à trouver un emploi, à s’extraire d’un quartier, à sortir de la délinquance. » « C’est aussi une manière de les sensibiliser et d’éviter qu’elles conduisent sans permis à la sortie », abonde Claudine, qui a mené une bonne partie de sa carrière dans le secteur du sanitaire et du social.

Derrière les barreaux de Vezin-le-Coquet, près de quatre-vingts détenus planchent ainsi chaque année sur les réglementations routières. Certains d’entre eux n’ont jamais obtenu le permis, d’autres ont vu ce dernier suspendu ou annulé après une grave infraction.

Un parcours du combattant

« On perd du temps ici, alors je veux m’en servir pour faire quelque chose de positif », insiste Alexis (*), la quarantaine. Lui a conduit pendant sept ans sans permis. En détention depuis un an, il devra passer des tests psychotechniques et médicaux avant d’obtenir une date pour passer le Code. « Ces séances nous rapprochent des conditions d’examen, se réjouit James (*), 45 ans. Et puis on s’entraide, c’est plus motivant que de réviser tout seul. »

Mais passer son permis entre les murs relève d’un vrai parcours du combattant. En cause, entre autres, la dématérialisation des services publics. « En prison, il n’y a pas d’accès à Internet, se désole Claudine.Avant, on pouvait les aider à faire leurs dossiers papiers, mais maintenant, les détenus doivent demander à des proches ou avoir une permission pour le faire à l’extérieur. »

« Dans un monde où tout est dématérialisé, […] leur interdire l’accès à Internet, [c’est] faire une croix sur toute possibilité de réinsertion », déplore Prune Missoffe, chargée de plaidoyer à l’Observatoire international des prisons (OIP).

Ajoutez à cela une densité carcérale intense qui a un impact sur la santé physique et mentale des détenus. À Vezin-le-Coquet, ils sont près de 850 pour 690 places, soit un taux d’occupation de 123 % – contre 133 % en moyenne nationale. « Avec la surpopulation, certains dorment très mal et sont très fatigués », constatent les bénévoles. Dans ces conditions, difficile pour les prisonniers d’être assidus.

16 h passé. L’heure pour les bénévoles de quitter le centre de détention… « Ça fait du bien de voir des gens de l’extérieur, qui viennent pour nous aider », interpelle Paco (*), 28 ans, avant de rejoindre sa cellule. Et d’insister : « C’est pas comme si on n’existait pas. »

(*) Prénoms d’emprunt

OUEST-FRANCE, le 15 mai 2025

PLAN DU SITE - © la FRAMAFAD PACA & CORSE- 2025 - Pour nous joindre