Gérald Darmanin annonce la création d’une prison de haute sécurité en Guyane

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Le futur établissement pénitentiaire comptera 500 places, dont une soixantaine pour des narcotrafiquants considérés comme particulièrement dangereux et une quinzaine pour des détenus « islamistes et radicalisés ».


• Aude Bariéty de Lagarde

C’est depuis la Guyane, où il est actuellement en déplacement, que le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, a annoncé dimanche, dans le JDD, la création d’un quartier de haute sécurité dans la future prison de ce département d’outre-mer. L’établissement, qui doit ouvrir à l’horizon 2028, sera situé à Saint-Laurent-du-Maroni, ville de 50 000 habitants située à la frontière avec le Suriname.

Ce centre pénitentiaire comptera 500 places, parmi lesquelles une quinzaine pour des détenus « islamistes et radicalisés », a précisé Gérald Darmanin sur X, ainsi qu’une soixantaine pour des narcotrafiquants. « Un régime carcéral extrêmement strict et un objectif : mettre hors d’état de nuire les profils les plus dangereux du narcotrafic, a décrit le ministre de la Justice. Ma stratégie est simple : frapper la criminalité organisée à tous les niveaux. Ici, au début du chemin de la drogue. En métropole, en neutralisant les têtes de réseau. Et jusqu’aux consommateurs. Cette prison sera un verrou dans la guerre contre le narcotrafic. »

« Une bonne nouvelle »

Invitée sur BFMTV ce dimanche, la ­secrétaire nationale des Écologistes, ­Marine Tondelier, a déclaré que le narcotrafic était « évidemment un problème » mais que, de manière générale, elle « ne pensait pas que la priorité (en Guyane, NDLR) était ce projet de prison ». « La symbolique qui consiste à installer en Guyane une prison pour des non-Guyanais et (…) pour les plus dangereux est extrêmement problématique (…) parce qu’on voit bien la référence historique au bagne de Cayenne. Ce n’est pas une coïnci­dence », a souligné la femme politique.

Sur CNews, Emmanuel Chambaud, ­secrétaire général de l’Ufap-Unsa-justice, a quant à lui salué une « bonne nouvelle », soulignant que la construction de cette prison, « issue des accords signés en Guyane en 2017 », était attendue depuis plusieurs années. Et le représentant ­syndical d’ajouter : « On a un gros problème en Guyane, c’est la drogue, mais aussi ce qu’on appelle les factions, ce sont des problèmes avec les détenus brésiliens actuellement incarcérés au centre pénitentiaire de Remire-Montjoly. »

Situé à quelques kilomètres de Cayenne, ce centre pénitentiaire surpeuplé est, à ce jour, l’unique prison du territoire. Gérald Darmanin devrait s’y rendre ce lundi. Avant son déplacement en Guyane, l’ancien ministre de l’Intérieur a d’ailleurs passé deux jours au Brésil « pour une meilleure coopération judiciaire contre la criminalité organisée, contre la criminalité environnementale et les transfèrements de détenus brésiliens incarcérés en France, notamment en Guyane. »

Ces derniers mois, la lutte contre la criminalité organisée est devenue une priorité de l’exécutif. Mercredi, un ­hommage a été rendu à Caen (Calvados) à Arnaud Garcia et Fabrice Moello, deux agents pénitentiaires tués le 14 mai 2024 lors de l’attaque de leur fourgon au péage d’Incarville (Eure) qui visait à délivrer le narcotrafiquant Mohamed Amra. Ce dernier, surnommé « la Mouche », a ­finalement été arrêté à Bucarest (Roumanie) le 22 février dernier après neuf mois de cavale.

« Nous n’avions pas attendu cette attaque meurtrière d’Incarville pour analyser le fait que les narcocriminels continuaient à donner des ordres de trafic voire de mort depuis leur lieu d’incarcération », a écrit sur X le chef de l’État, Emmanuel ­Macron, déterminé à « neutraliser les cartels ». Un objectif qui passe notamment « par la mise en œuvre d’un régime carcéral adapté pour que les narco­tra­fiquants soient réellement mis hors d’état de nuire en prison et de diriger leurs entre­prises criminelles. Car prison ne doit plus rimer avec quartier général », a ajouté le président, qui, après l’hommage aux deux agents décédés, s’est rendu à la­ prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).

Ce centre pénitentiaire des Hauts-de-France sera le premier à ouvrir un quartier de haute sécurité, à partir de cet été. Le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (Orne) fera de même à partir de la mi-octobre. La prison de Saint-Laurent-du-Maroni s’inscrit dans cette lignée. D’autres établissements devraient suivre.

Les couper du monde extérieur

La création de ces structures de haute ­sécurité, qui s’inspirent du modèle italien antimafia dit « 41 bis », avait été annoncée par Gérald Darmanin au Figaro en ­février dernier. Concrètement, il s’agit de couper du monde extérieur les narcotrafiquants considérés comme les plus dangereux. Promenades limitées et sous haute surveillance, parloirs par ­hygiaphone (sauf exceptions) suivis de fouilles systématiques, suppression de l’accès aux unités de vie familiale, limi­tation des appels téléphoniques vers ­l’extérieur, généralisation de la visio­conférence pour limiter les sorties…

L’amendement créant ces quartiers de haute sécurité, déposé par le gouvernement dans le cadre de l’examen de la proposition de loi « visant à sortir la France du piège du nacrotrafic », a été modifié à la suite de l’avis rendu par le Conseil d’État le 13 mars. La durée de placement dans ces quartiers de haute sécurité a ainsi été ramenée à deux ans renouvelables, contre les quatre ans initialement prévus par l’exécutif. La proposition de loi a été définitivement adoptée fin avril par le Sénat et l’Assemblée nationale. Mi-mai, les députés des groupes LFI, écologiste et socialiste ont cependant saisi le Conseil constitutionnel. A.B.

Le Figaro - le 19 mai 2025

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