Dans cette aile 100 % féminine du centre pénitentiaire de Borgo, la capacité maximale d'accueil vient d'être atteinte avec l'incarcération de deux nouvelles détenues liées au dossier du Petit Bar. Ambiance, propreté, activités, avocat et surveillant évoquent des conditions de détention jugées « plutôt bonnes ».
La vie derrière les murs de l’unique prison pour femmes de Corse**
— framafad paca corse (@WaechterJp) June 7, 2025
Ambiance, propreté, activités, avocat et surveillant évoquent des conditions de détention jugées « plutôt bonnes ». @corsematin pic.twitter.com/6uHKTuk8Si
Avec 20 détenues pour 20 places disponibles, « la maison d'arrêt pour femmes de Borgo a atteint sa capacité d'accueil maximale ». Depuis l'incarcération, vendredi dernier, de Sonia Susini et Saveria Lucchini, l'unique prison pour femmes de Corse affiche complet.
Toutes deux ont été écrouées à la suite de leur condamnation prononcée le 28 mai dernier par le tribunal correctionnel de Marseille dans le cadre du procès des finances du Petit Bar. Absentes au moment du délibéré, les deux femmes se sont présentées deux jours plus tard au parquet de Bastia pour être incarcérées au sein de la maison d'arrêt pour femmes (MAF) de Borgo.
« Désormais, s'il y a une arrivante de plus, elle devra dormir sur un matelas au sol », explique Maxime Coustie, surveillant pénitentiaire en poste depuis 19 ans au sein du centre pénitentiaire de Borgo et représentant syndical de l'union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP) pour la Corse.
**Les surveillants sont exclusivement des femmes**
Dans cette aile 100 % féminine du centre pénitentiaire de Borgo, la capacité maximale d'accueil vient d'être atteinte avec l'incarcération de deux nouvelles détenues liées au dossier du Petit Bar. Ambiance, propreté, activités, avocat et surveillant évoquent des conditions de détention jugées « plutôt bonnes ».
La MAF de Borgo est une prison 100 % féminine car, au sein de cet établissement, même les surveillants sont exclusivement des femmes.
Ici, dans cette aile particulière, même les règles de la détention diffèrent, en partie, de celles appliquées au sein de la maison d'arrêt des hommes. Un exemple en témoigne : la liberté de circuler au sein de l'établissement.
« La MAF n'est pas une prison à "portes ouvertes" contrairement à celles des hommes, déclare Maxime Coustie. Mais elles ont accès à la cour de promenade, durant 6 heures chaque jour, 3 heures le matin et 3 heures l'après-midi, soit un temps plus long que chez les hommes. »
Plusieurs activités leur sont également proposées : école, théâtre, sport. « Elles sont basées sur le volontariat, précise le surveillant pénitentiaire. Certaines ne sont proposées qu'aux femmes, comme les arts plastiques et la zumba, et d'autres se pratiquent avec les hommes, comme le théâtre », explique Maxime Coustie, surveillant pénitentiaire.
Pour maintenir un certain cadre de vie, elles ont aussi la possibilité de « cantiner », c'est-à-dire d'acheter par le biais de leur compte de la prison différents articles, tels que du maquillage, du gel douche ou encore des teintures pour les cheveux. Elles ont même accès aux soins esthétiques.
Pourtant, dans un rapport de 2021, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a pointé du doigt, à la suite d'une visite qui s'est déroulée du 1er au 11 mars 2021 au sein de la MAF de Borgo, l'insuffisance de prise en compte des besoins de ces femmes détenues : « Aucun produit adapté aux femmes n'est proposé dans les cantines hebdomadaires. Les détenues doivent attendre les cantines exceptionnelles, mensuelles, pour en obtenir. Les protections hygiéniques sont de premier prix. »
Au niveau de la détention, des mesures sont prises pour qu'aucune détenue ne soit privée d'accès à des protections hygiéniques : « L'administration pénitentiaire fournit deux boîtes de tampons et/ou de serviettes hygiéniques gratuitement tous les mois », précise Maxime Coustie.
**« On pourrait manger par terre »**
Alors que dans les prisons pour hommes, la violence, qu'elle soit physique ou verbale, est généralement plus marquée, la prison de femmes de Borgo se distinguerait par son calme.
« En général, tout se passe bien, elles sont plutôt préservées, explique un avocat bastiais dont plusieurs clientes ont été placées en détention au sein de la MAF. Mes clientes n'ont jamais eu de soucis, ni d'incident ou d'insubordination. »
Selon les échos de l'intérieur, entre les murs des femmes, la propreté serait la règle. « La MAF est très bien entretenue, une auxiliaire nettoie tous les jours. On pourrait manger par terre tellement c'est bien nettoyé », précise Maxime Coustie.
Et si l'on en croit ce dernier, l'ambiance est même plutôt bonne : « Les jeunes respectent les plus âgées. Il y a parfois des petites disputes mais ces querelles ne mettent pas l'établissement en danger. Les surveillantes dialoguent beaucoup avec elles mais l'arrivée en détention est toujours difficile, c'est normal de pleurer pour les primaires », confie le surveillant pour parler de la situation de ces femmes qui vivent l'expérience d'une première incarcération. D'une première privation de liberté.
« Quand elles arrivent, elles se rendent compte qu'elles ne verront plus leurs enfants tous les jours. » Au même titre que les hommes, le régime carcéral ne leur permettra pas de les voir plus de deux fois par semaine, lors des parloirs.
Pour ces détenues, femmes, les écarts de comportement peuvent leur coûter cher. « Elles ont tout intérêt à bien se tenir », selon le représentant syndical. Et pour cause : en Corse, il n'y a qu'un seul établissement pénitentiaire pour femmes.
« Si elles devaient causer des problèmes, elles pourraient être sanctionnées et risquer un transfert disciplinaire sur le Continent. L'éloignement avec leur famille sera alors encore plus compliqué », précise Maxime Coustie. Rassurant, le surveillant rappelle que « les incidents graves restent tout de même exceptionnels à Borgo ».
Sollicitée, l'administration pénitentiaire n'a pas été en mesure de livrer, dans les temps impartis, des éléments de réponses afin de comprendre les conditions d'accueil des femmes détenues.
**Détenues « plus jeunes » et peines « plus courtes »**
Quant au profil judiciaire des détenues, la MAF accueille à la fois des femmes en détention provisoire, ainsi que des femmes définitivement condamnées, à la différence des hommes qui sont affectés à un bâtiment selon leur situation judiciaire.
« Souvent elles n'ont pas les rôles principaux sur les dossiers et sont même instrumentalisées par les hommes. Parfois elles sont incarcérées parce que c'est la femme de... ou la compagne de... », explique l'avocat.
Quant aux profils des femmes, ils ont évolué au fil des années : « Avant, les femmes incarcérées y étaient souvent pour de plus longues peines avec des affaires importantes, comme des homicides, explique Maxime Coustie. Maintenant, elles sont souvent incarcérées pour des dossiers en lien avec des stupéfiants sur des peines plus courtes et elles sont de plus en plus jeunes. »
Corse-Matin - le 3 juin 2025