La collection de portables d’un détenu de la DZ Mafia

Un sixième téléphone a été trouvé dans la cellule de Gabriel O. à la maison centrale d’Arles. L’Ufap-UNSa dit son ras-le-bol qu’il ne soit pas transféré loin du Sud-Est.

Nicolas Jacquard, Vincent Gautronneau, Jérémie Pham-Lê et Jean-Michel Décugis

« Jusqu’où allons-nous descendre dans l’absurde ? » La question émane d’un communiqué publié ce mercredi par le syndicat Ufap-UNSa-Justice. Il fait suite à la saisie, dans la cellule d’un détenu classé en « haut du spectre », incarcéré à la maison centrale d’Arles, d’un « sixième téléphone portable et de cinq cartes SIM » ! Le cinquième l’avait été… il y a seulement dix jours. Une situation ubuesque mais emblématique qui démontre l’impuissance des autorités à rendre les prisons françaises hermétiques aux téléphones venus de l’extérieur.

Dans la cellule de ce détenu placé « au quartier d’isolement depuis son arrivée » à Arles, la pénitentiaire a pourtant installé « un deuxième grillage de sécurité à la fenêtre ». Et les représentants syndicaux de s’interroger : « Que faut-il de plus ? Un troisième grillage ? Un mirador dans sa cellule ? »

Pour ce surveillant d’Arles, qui s’exprime anonymement, le problème est d’abord géographique. « Ce détenu était auparavant à Marseille. Pourquoi le laisser dans sa région au lieu de l’envoyer dans le Nord ? interroge-t-il. Cela le déstabiliserait un peu plus. »

Si la question des téléphones en détention est récurrente, la situation scandalise cette fois-ci l’Ufap-UNSa en raison du profil du prisonnier en cause. Il s’agit, selon nos informations, de Gabriel O., surnommé « Gaby », considéré par la police comme un cadre de tout premier plan de la DZ Mafia, ce clan criminel marseillais responsable d’au moins une quarantaine d’homicides depuis 2023. Un rôle au sommet de la criminalité organisée que « Gaby » semble avoir conquis derrière les barreaux.

Le placement à l’isolement sans effet sur ses activités

La justice n’est jamais parvenue à l’empêcher de poursuivre ses activités criminelles — de l’extorsion au meurtre sur commande – malgré un placement à l’isolement presque systématique. « C’est un type qui peut faire tuer n’importe qui en claquant des doigts », résume ce même surveillant, égrenant la liste des téléphones trouvés dans sa cellule à l’isolement. « On parle d’iPhone 16 ou des derniers Samsung. Des téléphones à 1 200 € dans le commerce, qui valent quatre fois cette somme en détention. Il ne faut pas se voiler la face : ils sont entrés par la porte. » Comprendre : grâce à la corruption d’agents pénitentiaires.

Gabriel O. en a les moyens. Incarcéré depuis 2019, renvoyé devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence pour son implication dans le double assassinat ayant coûté la vie au caïd Farid Tir, « Gaby » est aussi mis en examen pour le meurtre d’un indicateur de la police judiciaire de Mulhouse. Dans cet assassinat commis en août 2019, il aurait agi comme tueur à gages, envoyé de Marseille jusque dans le Haut-Rhin afin d’exécuter un informateur qui aurait fait capoter une livraison de 11 tonnes de haschich saisies par la PJ dans l’est de la France. Deux dossiers qui lui font encourir la réclusion à perpétuité mais qui ne semblent pas l’avoir stoppé.

En mai 2024, le jeune trentenaire, né à Niort et ayant grandi dans le quartier de la Visitation à Marseille, a été une nouvelle fois mis en examen, suspecté d’avoir commandité et organisé le meurtre d’un narcotrafiquant commis fin 2023 à Marseille. Un homicide qu’il aurait organisé alors qu’il était incarcéré à la prison d’Aix-Luynes. Plus récemment encore, « Gaby » a été mis en examen pour son rôle dans le meurtre sur fond d’extorsion de fonds d’un proche du rappeur SCH abattu à la sortie d’une boîte de nuit de La Grande-Motte. Il conteste son implication dans ces divers faits. Enfin, le trentenaire est soupçonné d’avoir mis un « contrat » d’un montant de 120 000 € sur la tête du chef de détention de la prison des Beaumettes, lequel a été depuis « déplacé ». « Gaby » venait alors d’être condamné par cet agent à vingt jours de mitard pour avoir menacé la directrice de la prison marseillaise.

« Une véritable bombe à retardement »

Conscient des risques représentés par ce détenu, l’Ufap dénonce donc la présence à Arles d’« une véritable bombe à retardement ». En référence à l’évasion sanglante de Mohamed Amra, le syndicat souligne aussi que la pénitentiaire aurait pu « vivre un second Incarville » lors d’une récente extraction médicale de Gabriel O., lequel devait passer une IRM. L’Ufap demande ainsi son transfert immédiat. Une situation délicate, nombre de juges d’instruction de Marseille souhaitant conserver le détenu sous la main dans le cadre de leurs enquêtes.

Pour lutter contre le phénomène des portables en prison, Gérald Darmanin, le garde des Sceaux, prévoit prochainement le transfert des principaux narcotrafiquants dans deux prisons de haute sécurité, à Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil. « Il est à espérer que ce genre de choses ne se produise pas dans cette nouvelle structure de haute sécurité, anticipe Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat Ufap-UNSa. Car au-delà des risques encourus par le personnel de la prison d’Arles, censée être une maison centrale « sécuritaire », l’affaire est un pied de nez à l’administration pénitentiaire. »

« Gabriel O. fait partie du trio de tête des narcos qui iront à Vendin et Condé », complète ce surveillant. En attendant, selon nos informations, il aurait tenté de mettre fin à ses jours ce mercredi soir lorsqu’il a appris qu’il était transféré au quartier disciplinaire du fait des portables saisis. Devant le chef d’établissement, il a ingéré des lames de rasoir. Il a été transféré à l’hôpital sous escorte de la police et des Eris, les équipes spécialisées.


Le Parisien - le 5 juin 2025

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