Les détenus s’amusent, les riverains râlent

Feu d’artifice, musique à fond… À Agen (Lot-et-Garonne), les habitants se plaignent de la maison d’arrêt surpeuplée et située en plein centre-ville.


Klervi Le Cozic Correspondante À Agen (lot-Et-Garonne)

Rouge, bleu,jaune, rose… Le petit feu d’artifice qui a embelli le ciel d’Agen (Lot-et-Garonne) dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 juin n’a pas fait plaisir à tout le monde, et pour cause. Tiré devant la prison pour fêter l’anniversaire d’un détenu à minuit et au beau milieu d’un quartier résidentiel, en pleine semaine, le spectacle pyrotechnique a surtout contribué à gêner les habitants, déjà excédés par les nuisances à répétition dans les rues qui bordent la maison d’arrêt.

« On s’est réveillés en sursaut, on avait l’impression que c’étaient des coups de feu », raconte une habitante d’une rue adjacente. Depuis un an, elle a vu « la situation se dégrader : les détenus mettent leur sono aux fenêtres et envoient la musique à fond et ça peut durer plusieurs heures, parfois jusqu’à minuit », témoigne la sexagénaire, qui préfère rester anonyme.

Le 4 juin, le feu d’artifice n’a duré que quelques secondes, mais il a tiré aussi du sommeil Sherine, 25 ans, et son bébé. Pourtant, « habituellement, je n’entends les cris et la musique des détenus que quand j’ouvre la fenêtre », relate la jeune femme, dont la résidence jouxte la maison d’arrêt. Ce soir-là, elle a cru à une évasion. Ici, les nuisances sonores sont presque quotidiennes. « Trois ou quatre fois par semaine, en soirée, on entend des cris ou des gens qui tapent sur les barreaux », témoigne Mathias, un voisin étudiant.

Pourtant, « c’est moins pire qu’avant, relativise une habitante, depuis que des filets ont été installés au-dessus des promenades, pour éviter que les détenus ne puissent récupérer des objets lancés de l’extérieur. Ça criait pour indiquer où était le colis et certains se cachaient dans les jardins limitrophes à l’arrivée de la police. Ces filets ont enlevé une grosse partie des nuisances », ajoute la jeune femme.

150 % d’occupation

Sur les réseaux, la vidéo de la « fête d’anniversaire » a circulé, légendée avec ce commentaire : « T’as des gens, ils ont le droit d’arriver avec 20 kg de mortier devant la prison et de tout faire péter pendant dix minutes avec la musique à fond pour faire plaisir à leur pote qui est enfermé », s’emporte un instagrameur. « Pourquoi est-ce que la mairie ne prend pas les devants ? » interpelle ce quinquagénaire.

« On a mis des caméras de surveillance autour de la maison d’arrêt », rappelle-t-on à la mairie. « Les liens entre les équipes pénitentiaires et la police nationale ont été renforcés afin que des patrouilles circulent régulièrement aux abords de l’établissement », ajoute de son côté la maison d’arrêt, qui a porté plainte après le feu d’artifice. Pour Jean-Philippe Thomas, du syndicat Ufap-Unsa-Justice Agen, « les nuisances sont grandissantes du fait de la surpopulation carcérale ». Avec 150 % d’occupation actuellement, contre 126 % en mai, d’après les statistiques pénitentiaires, soit 184 détenus pour 146 places, « la population carcérale augmente, mais pas le personnel. On ne peut donc pas faire des prisons un monastère. »

Comme de nombreux établissements pénitentiaires construits au XIX e siècle, la prison d’Agen, mise en service en 1860, a été érigée en plein centre-ville. Certains riverains aimeraient la voir déplacée plus loin, même s’ils sont conscients que « personne n’a envie d’avoir une prison près de chez soi, que ça ne ferait que déplacer le problème ailleurs ».

Le Parisien, le 13 juin 2025

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