Prison vétuste à Angers, « la chaleur les fait dérailler»

La maison d'arrêt d'Angers (Maine-et-Loire) est l'une des plus vieilles et surpeuplées de France. En pleine canicule, les conditions de détention s'y dégradent considérablement. Immersion.

La prison, l'une des plus vieilles et surpeuplées de France, est confrontée à des températures atteignant 40°C dans les cellules, ce qui pose des problèmes de sécurité et de santé pour les détenus et le personnel. Les mesures prises pour atténuer la chaleur, comme l'installation de ventilateurs, sont jugées insuffisantes. Le sénateur Grégoire Blanc et d'autres responsables soulignent la nécessité de respecter la dignité des détenus et appellent à des améliorations urgentes des conditions de détention.

La surpopulation carcérale à la prison d'Angers

Dans cette forteresse de vieilles pierres, la surpopulation carcérale prend une autre dimension. Au 1er juillet, elle affiche un taux d'occupation de 225%. La capacité maximale de l'établissement est de 216 places, mais la prison accueille 480 détenus. Cent trente partagent leur cellule à trois. 43 dorment sur un matelas au sol. Même les cellules des personnes à mobilité réduite sont doublées. Jeudi, Ouest-France a accompagné le sénateur Grégoire Blanc (divers gauche) lors d'une visite parlementaire.

Précédés du surveillant en chef et de la directrice, on gravit l'escalier. « On se croirait au Moyen Âge », lance le sénateur, « c'est comme pénétrer dans un château fort. » Plus on grimpe, plus la chaleur se fait sentir. Les cellules s'ouvrent à sa demande.

Conditions de vie des détenus

Douches, ventilateurs, packs d'eau... Le premier détenu, comme les suivants, se présente torse nu et s'empresse d'enfiler un tee-shirt. « Je suis désolé, la chaleur, c'est horrible. » Deux petits ventilateurs tournent en continu. Une serviette humide pend sur la fenêtre. Seuls moyens de rafraîchir quelque peu la cellule. « On m'a annoncé ce matin qu'un troisième codétenu allait arriver. La pièce va bientôt s'encombrer d'un matelas de plus. Il sera installé à même le sol. » C'est comme ça, on n'a pas le choix, se résigne le détenu. « Vous voyez l'oreiller là ? Et les toilettes au bout du lit ? » Quand il dort, sa tête se trouve à moins d'un mètre de la cuvette des toilettes. Sans porte.

Le député l'interroge : « Comment vous supportez les fortes températures ? » « J'ai de la chance, souligne le jeune homme, comme je travaille, je peux prendre une douche tous les jours. » Son emploi au sein de la maison d'arrêt lui permet aussi de camper les bouteilles d'eau et les ventilateurs. Les autres sont contraints à l'étuve et une douche tous les trois jours. « On sait jamais avec qui on va se retrouver », ressasse le détenu, inquiet de l'arrivée du troisième codétenu. Parfois, la chaleur les fait dérailler.

Réactions et mesures face à la canicule

« Il peut y avoir des tensions, mais le personnel est très réactif », souligne la directrice, Paloma Casado-Torres. « Ici, c'est déjà compliqué à vivre, même quand il fait frais. » Pour parer aux épisodes de canicule, la maison d'arrêt a mis en place des points d'eau dans la cour des promenades. Davantage de ventilateurs ont été mis en cantine. Des bouteilles d'eau sont distribuées aux détenus indigents. 28, particulièrement fragiles, font l'objet d'une surveillance renforcée la nuit, indique la direction. Certaines consignes, comme l'aménagement des horaires de promenades, ne peuvent pas être appliquées à Angers. « Il faudrait tout réorganiser en termes de sécurité. Le soir, nous n'avons pas suffisamment de surveillants. »

La configuration du bâtiment ne permet pas de respecter la loi. « Cette année, on dénombre une vingtaine de recours pour des conditions indignes, détaille la directrice, contre trois l'année précédente. » En mars, le conseil de l'ordre des avocats d'Angers avait publié un rapport accablant sur les conditions de détention. Alors que faire ? Un nouveau centre pénitentiaire de 850 places doit s'installer en périphérie d'Angers, à Loire-Authion. Il ne devrait pas voir le jour avant 2029.

Le plan canicule et les conditions de détention

« Le plan canicule n'est pas respecté. » « On parle du futur centre comme d'une réponse à toutes les problématiques depuis des années. Mais aujourd'hui, comment on fait ? » questionne Grégoire Blanc, dépité par les odeurs et l'état des douches. À deux pas, la bibliothèque, « meilleur endroit de la prison », aide à s'aérer le corps et l'esprit, un « moment d'évasion » indispensable, selon les personnes incarcérées. « Le plan canicule n'est pas respecté. On reste enfermés dans nos cellules à trois en pleine chaleur », s'agace un détenu. Là, les températures atteignent des records. Jusqu'à 45°C, selon les détenus, 35°C pour la direction. Quand les surveillants concèdent au moins 40°C, au plus fort de la canicule.

Un détenu plus âgé, appuyé sur une canne, dit avoir « fait huit malaises ces deux derniers jours ». Un autre raconte n'avoir pas pu prendre de douche entre vendredi et mardi, quand le mercure battait des records. « On sait pourquoi on est là, on ne le remet pas en question. Mais là, c'est inhumain. »

Travaux d'aménagement et perspectives

Contrairement aux autres prisons, la maison d'arrêt d'Angers ne dispose pas de douches dans les cellules. Et les surveillants, en sous-effectif chronique, ne peuvent répondre à tous les besoins. Dans une des ailes, l'établissement ne dispose que de deux agents pénitentiaires, pour environ 160 pensionnaires. « Ce n'est pas de leur faute. Ils souffrent aussi », s'accordent les détenus.

Au moins, le constat est unanime : direction, surveillants, détenus. Pas de langue de bois, chacun fait au mieux, mais les budgets du ministère de la Justice ne sont pas décidés à Angers. La proximité qui s'est créée, parfois dans des moments difficiles partagés avec le personnel, est précieuse pour les détenus. Comme pour les surveillants.

À Angers, le taux d'absentéisme est à 18,5%, moins que la moyenne nationale. Malgré les conditions vétustes, la proximité est un facteur important, souligne le chef de service pénitentiaire. « Tout le monde se connaît, on peut communiquer. »

Cette année, la façade de l'établissement a été rénovée. La prochaine demande de travaux concerne l'installation de modulaires pour étendre l'unité sanitaire et développer la télémédecine. « Il faut accélérer les travaux d'aménagement, insiste le sénateur à la sortie de l'établissement. On ne peut pas se contenter de reporter en attendant la future prison. »


Julie ECHARD


OUEST-FRANCE - le 7 juillet 2025

PLAN DU SITE - © la FRAMAFAD PACA & CORSE- 2025 - Pour nous joindre