L’univers carcéral est la preuve que, quand le pouvoir veut augmenter la population, il peut. Si j’ai bien compris, si «la France des honnêtes gens» se regroupe chez LR comme le prétend son président Bruno Retailleau, on n’a encore rien vu en matière de surpopulation carcérale.
La prison pour tous
— framafad paca corse (@WaechterJp) July 7, 2025
L’univers carcéral est la preuve que, quand le pouvoir veut augmenter la population, il peut. Chronique de Mathieu Lindon @libe pic.twitter.com/JsAV6c8Dij
L'article "La prison pour tous" de Mathieu Lindon publié par @libe aborde avec ironie et critique le phénomène de la surpopulation carcérale en France, tout en soulignant l'hypocrisie des discours politiques, notamment de la droite et de l'extrême droite. Lindon souligne que, malgré un faible soutien électoral pour Les Républicains (LR), ces derniers semblent vouloir durcir les lois, en particulier contre les groupes vulnérables comme les mineurs. Il questionne également l'honnêteté de certains leaders politiques, citant Nicolas Sarkozy et François Fillon.
L'auteur propose une vision satirique où chaque village aurait sa prison, suggérant que ces institutions pourraient contribuer à l'économie locale tout en offrant un traitement humain aux détenus. Il critique la compétition entre la droite et l'extrême droite pour augmenter le nombre d'incarcérations sans se soucier des conditions de vie dans les prisons.
Lindon évoque des idées extrêmes comme la réintroduction de la peine de mort pour alléger la population carcérale, et propose des travaux forcés pour les prisonniers, les faisant participer à la construction de nouvelles prisons. Il souligne la méfiance envers les condamnés et propose une réflexion amère sur une société où la prison devient un destin commun. L'article se termine sur une note cynique, considérant la possibilité que, dans un avenir incertain, beaucoup pourraient se retrouver derrière les barreaux.
• Par Mathieu Lindon
Car, enfin, ces Républicains ont obtenu un peu moins de 8,5 % l’an dernier aux législatives, ce qui laisse 91,5 % des votants en conditionnelle. Et les abstentionnistes, s’abstiennent-ils d’être honnêtes ou d’être malhonnêtes ? Et les mineurs sans droit de vote, n’est-ce pas contre eux que LR veut durcir les lois ? Et Nicolas Sarkozy et François Fillon, l’honneur des LR, la justice de leur pays n’aurait-elle pas quelques réserves quant à leur honnêteté ? On comprend qu’on recommande aux touristes étrangers de se méfier en arrivant en France, pays des arts, des armes et des lois qu’on ne respecte pas.
En matière d’électronique, c’est un bracelet qu’on devrait offrir à tous les écoliers pour qu’ils se familiarisent avec la France moderne si on ne veut pas que les prisons deviennent plus nombreuses que les boulangeries, ce qui à la fois se révélerait peut-être un mal pour un bien. A l’écart des fameuses prisons darmaninesques pour narcotrafiquants expérimentés, on profiterait aussi d’accueillantes prisons de proximité. Chaque village aurait la sienne, concourant à l’économie des zones rurales défavorisées : c’est la moindre des choses d’apporter un petit cadeau à son cher prisonnier à chaque visite, ne serait-ce qu’un nouveau téléphone portable s’il s’est fait confisquer le précédent. Et puis des oranges, du chocolat et de l’argent de poche. Et puis de l’affection. C’est toute une vie que recréeraient des prisons à notre échelle.
Dans le mano a mano entre la droite et l’extrême droite pour envoyer le plus de monde en prison, cette surpopulation n’entre jamais en ligne de compte, comme si c’était bien fait pour les prisonniers d’être trop. Déjà qu’on les loge gratuitement, ils ne vont pas en plus se plaindre que la cellule n’est pas exactement comme ils la souhaiteraient − qui a jamais trouvé l’appartement de ses rêves, et si bon marché ? Il ne faudrait toutefois pas que cette déplorable compétition tourne à plus cruel encore, si ces partis se mettent en tête de reprendre la bien-pensance supposée de la gauche et à vouloir diminuer le nombre de prisonniers, mais à leur manière. Un comité du même nom proposerait ainsi une regrettable mesure de salut public, la réintroduction de la peine de mort, sous prétexte de donner un peu d’air aux prisons. Ce serait une façon de terroriser les terroristes, et pas qu’eux.
Laurent Wauquiez l’a joué petit bras, et d’ailleurs il s’est pris une raclée à LR, en voulant envoyer les êtres sous obligation de quitter le territoire français dont on n’arrive pas à se dépêtrer à Saint-Pierre-et-Miquelon. Non, ce qui serait beaucoup plus malin si la droite va au bout de ses idées (et que la gauche ne les lui emprunte pas), ce ne serait même pas tant de rétablir le bagne, à Cayenne ou ailleurs, que les travaux forcés. Ainsi, au lieu que les prisonniers aident à la cuisine ou à la bibliothèque, ils pourraient faire un boulot plus utile : bâtir de nouvelles prisons. Et le travail du bâtiment est si fatigant que ces êtres à domicile très fixe n’auraient pas de force pour se rebeller.
D’un autre côté, on ne peut pas faire entièrement confiance aux condamnés. Il faudrait s’assurer qu’ils ne profitent pas que les murs ne sont pas encore construits pour s’évader ou que, l’air de rien, ils ne font pas du zèle en creusant également des tunnels qui pourront toujours leur être utiles le moment venu. A moins que, au contraire, ces souterrains puissent servir à tout le monde quand tout le monde risquera la prison. Parce que, si j’ai bien compris, il y a des gens pour penser ça : ah, la belle vie que ça sera, quand tous les autres seront en prison ou à l’étranger.
Libération, le 5 juillet 2025