Un monde meilleur questionne la justice

Plusieurs quotidiens relèvent l’importance de cette série allemande diffusée cet été sur Canal + suggérant fortement la suppression pure et simple de l’univers pénitentiaire (Ouest-France, Le Parisien, Corse-Matin et Le Figaro).

Pour la réflexion. La série chorale allemande d'Alexander Lindh se demande si la société ne vivrait pas mieux sans prisons. Une fiction superbement interprétée qui repense notre rapport à la justice.


Cellules surpeuplées, coût d'entretien important, fort taux de récidive des détenus à leur sortie ... Et si on supprimait les prisons? C'est à partir de cette question épineuse qu'un maire libéral et une scientifique d'une ville allemande ont imaginé un programme de réinsertion révolutionnaire baptisé Trust ( « confiance » en anglais).


Aidé de travailleurs sociaux, ce petit groupe relâche des détenus pour tenter de prouver qu'il vaut mieux « prévenir que guérir ». Selon leurs convictions, seules leur réinsertion dans la société et la prévention permettront d'endiguer le crime. Trust libère donc un panel de criminels, allant du petit dealer jusqu'au meurtrier multirécidiviste. Au grand dam des familles de victimes, en colère contre ce projet qui balaie les batailles judiciaires passées permettant d'obtenir un sentiment de justice.


Au cœur de la justice restaurative


En huit épisodes de cinquante-deux minutes, Un monde meilleur suit le retour à la vie normale de ces détenus et de leurs proches. Certains retrouvent leurs familles et retournent au travail, d'autres sont plus seuls que jamais à l'extérieur. Sans oublier ceux qui retombent immédiatement dans leurs travers, ravis d'échapper à la loi. La série allemande questionne également le poids de l'opinion publique. Si, sur le principe, une majorité des habitants de la ville voit d'un bon œil l'initiative, comment les habitants vont-ils réellement réagir lorsqu'ils découvriront qu'un pédophile vit dans l'appartement d'en face.


Sans jamais atteindre la puissance émotionnelle du film Je verrai toujours vos visages, réalisé par Jeanne Herry, Un monde meilleur aborde également le sujet de la justice restaurative. Ce dialogue entre familles et détenus, et le difficile chemin vers le pardon. Une série

télévisée, qui secoue et soulève de nombreuses questions sur notre système pénal et notre capacité à faire société.

Anaïs BERNO.

Deux épisodes sur Canal+ à 21 h, chaque lundi, dès le 14 juillet, et sur MyCanal.

Ouest-France 13 juillet 2025


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Une société sans prison ?

« UN MONDE MEILLEUR »

21 h 10 Deux épisodes de 52 minutes

Canal +

Série allemande d'Alexander Lindh et Laurent Mercier, avec Maria Hofstätter, Steven Sowah, Katharina Schüttler…


À Rheinstadt, ville moyenne imaginaire d'Allemagne, le maire et une criminologue lancent un programme révolutionnaire : fermer la prison de la ville pour tenter de réinsérer les détenus dans la société avec un accompagnement. C'est ambitieux, risqué aussi. Ils le savent mais tiennent bon, entourés de psychiatres, scientifiques, travailleurs sociaux, qui croient en leur projet. Rapidement, les premiers accrocs surviennent. Et le soutien de la population s'étiole, tiraillée entre désir de pardonner et besoin de justice.

Tout au long de cette expérience, on suit plusieurs détenus et leurs familles ainsi que des proches de victimes. Ce chassé-croisé de destins pose une vraie question sur la façon dont la société fait face à ses peurs. Lubie bien-pensante ou projet réaliste pour un monde meilleur ? La réalisation, un peu balourde au début, trouve doucement son rythme. Et on s'attache, au fil des huit épisodes, à ces destins cabossés.

Pauline Conradsson

Le Parisien - le 14 juillet 2025

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UN MONDE MEILLEUR 21 H10 SUR CANAL +

Une réflexion critique sur le système pénal actuel.

À 21 h 10, Canal+ lance la diffusion de la nouvelle série dramatique Un monde meilleur, dans laquelle une expérience socio-scientifique divise les opinions.

Une société sans prison est-elle envisageable ? Une autre forme de justice est-elle possible dans notre société ? La série Un monde meilleur, à suivre dès ce soir sur Canal, fait le test et ouvre le débat…


Une expérience humaine et sociale

À Rheinstadt, en Allemagne, un maire libéral et une criminologue visionnaire mettent en place TRUST, un programme local de réinsertion et de réadaptation de détenus, axé sur la réparation plutôt que sur la sanction. L'objectif de cette expérience révolutionnaire est de proposer aux prisonniers un logement décent, un travail et un accompagnement thérapeutique pour repartir de zéro. Ainsi, environ 300 individus vont être libérés avant la fin de leur peine. Une décision polémique qui ne plaît pas à tout le monde. De retour en ville, les criminels devront faire face aux préjugés tandis que les victimes et leurs familles seront partagées entre l'envie de pardonner et le besoin de justice.

Créée par Alexander Lindh et Laurent Mercier, cette série en huit épisodes explore la problématique vaste du crime et de son châtiment. À travers le récit de plusieurs délinquants, auteurs de délits plus ou moins graves, Un monde meilleur parvient à capter notre attention tout en nous interrogeant sur une thématique complexe et sensible qui divise l'opinion publique.

Une réflexion ouverte

À l'écran, nous ressentons la tension existant entre deux visions d'un monde juste. Celles et ceux qui militent en faveur de l'abolition pénale remettent en cause l'approche punitive du système qui, selon eux, n'est pas la bonne réponse aux conflits. L'enfermement, les prisons, la police et les tribunaux ne réduisent pas la criminalité et nuisent même à la société, et c'est pour cela qu'ils devraient être supprimés. Un discours révoltant pour les victimes et leurs proches, qui voient en cette pensée une double peine, le déni total de préjudices et de souffrances bien réels. Si cette justice transformative puise ses racines dans de bonnes intentions, elle a aussi ses limites et ses dangers, ce que l'on voit bien dans la fiction.

Au centre de ces questionnements apparaît un dilemme moral existant depuis la nuit des temps : sommes-nous prêts, malgré notre besoin grandissant d'humanité, à gracier et à donner une seconde chance à ceux qui nous ont fait du mal ? Cette manière de rendre la justice fera-t-elle de notre société un monde meilleur ? Tout un chacun est en droit de se le demander...

Virginie Teck

Corse-Matin - le 14 juillet 2025

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« Un monde meilleur » : la liberté, et après ?

Cette série chorale allemande imagine la fin de l’univers carcéral pour mieux interroger l’âme humaine et la société.

• Céline Fontana

Au commencement était Oz, série carcérale américaine culte de la fin des années 1990 signée Tom Fontana. « Elle m’avait beaucoup marqué, tout en me montrant la puissance de l’écriture ­sérielle, confie Laurent Mercier (coscénariste de la série 66-5), coauteur avec Alexander Lindh d’Un monde meilleur. Elle m’a aussi donné envie de traiter de sujets sociaux, notamment la prison, mais avec un angle qui renouvelle le genre. Pas le constat de la défaillance du système, de ses limites ; plutôt le thème d’un monde sans prison qui rebattrait un peu les cartes, et permettrait d’introduire les victimes, leurs traumatismes, le jugement de la société, son besoin de revanche, d’explorer notre rapport à la violence, au crime… »

Ainsi est-il arrivé à l’idée d’un État qui prêcherait la réparation plutôt que la punition. Le programme expérimental Trust a pour but de libérer trois cents prisonniers de façon anonyme et de leur donner la possibilité de se réinsérer dans la ville de Reistaadt. Leur sortie est porteuse d’espoir. Car certains ne demandent qu’à bénéficier d’une seconde chance. Mais d’autres sont prêts à replonger, et d’autres encore sont désorientés hors de la logique du châtiment et du cadre carcéral. Car parmi eux il y a des petits délinquants, mais aussi un pédophile ou le meurtrier d’un adolescent. « Ce dernier personnage m’a intéressé car je ne savais pas si je serais à la hauteur. Il n’était pas évident de le rendre crédible et touchant à la fois. Comment défendre un criminel qui a tué un enfant ? Il faut que l’on comprenne son itinéraire, analyse Richard Sammel (Un village français, Inglourious Basterds ), son interprète, méconnaissable. C’est un perdant de la société, quelqu’un sur qui a priori ce programme ne peut pas prendre. Il s’est forgé des convictions et veut qu’on le laisse tranquille. »

Une approche volontariste

Cette série allemande multiplie trajectoires et points de vue : tout d’abord ceux des prisonniers libérés ; de l’activiste instigatrice du projet, mue par un pragmatisme tranquille ; des référents, fragiles intermédiaires ; du maire progressiste ; des médias et des réseaux sociaux, qui mettent le feu aux poudres ; des proches des anciens détenus, pas toujours très à l’aise avec ce retour inattendu ; et, bien sûr, des victimes, leur tentation ou leur refus total de pardonner, leur douleur, leur chagrin, leur colère, leur désespoir et leur terreur, si légitimes aussi, à l’instar de cette femme battue qui découvre par hasard la sortie de son agresseur…

Cette série chorale de grande ampleur, remarquablement menée, prenante, bouleversante, suscite le débat sur un équilibre difficile à trouver. « Nous avons commencé à écrire avant le Covid, la guerre en Ukraine… Mais nous avions déjà le sentiment que notre société arrêtait de se poser la question des droits humains, de faire du monde un endroit meilleur, note Laurent Mercier. Nous trouvions intéressant d’imaginer ce projet de loi de progrès social. Même si ce n’est pas une série à thèse. Nous ne sommes pas là pour faire l’apologie de l’abolition des prisons, plutôt dans le volontarisme, pour faire réfléchir et faire bouger les lignes. » C. F.

Le Figaro, le 16 juillet 2025

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