Prison pour les narcos : pourquoi Darmanin joue gros

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Les premiers transferts des cent criminels les plus dangereux vers le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil vont débuter


Un homme de 19 ans, tué par balles et partiellement calciné, a été retrouvé mardi dans le Gard. Cette découverte survient dans un « contexte de rivalité ultra-violente entre groupes criminels locaux », selon la procureure de Nîmes, où les règlements de comptes liés au trafic de drogue se multiplient.

Le niveau de sécurité a été poussé à son maximum au sein de la nouvelle prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais). Des dispositifs tels que des trappes sur les portes ont été installés : le détenu devra entrer dans sa cellule menotté, puis présenter ses poignets au surveillant, qui déverrouillera l'entrave depuis l'extérieur. Ce système vise à empêcher que les détenus aient les mains libres dans les coursives. À quelques jours de l’ouverture de l’établissement, une effervescence règne dans le milieu pénitentiaire. Au ministère de la Justice, les réunions se multiplient. Les cent plus gros narcotrafiquants sont au cœur des discussions : « On ne parle que de cela », confie une source bien informée. Les détenus, eux, craignent leur prochain transfert.

Les décisions de transfert ont commencé à être notifiées depuis mardi et, après un délai de 72 heures, elles deviendront effectives. En théorie, les premiers transferts peuvent donc commencer. Le ministère reste discret sur le planning de ces convois à risques, mais une date est officielle : le 1er juillet, Vendin-le-Vieil sera en service, soit sept mois après l’arrivée de Gérald Darmanin à la Chancellerie. Au début de l’année, le garde des Sceaux, qui a assisté à l’évasion sanglante de Mohamed Anita, avait déjà soulevé la question. Sa volonté d’isoler les cent « narcos » les plus dangereux a été annoncée quatre jours après sa prise de fonction. Il a constamment souligné qu’il s’agissait de « profils très lourds », ayant « du sang sur les mains ». L’affaire Amra, qui gérait ses trafics depuis la Santé tout en conservant un portable en détention, a particulièrement choqué. Amra rejoindra bientôt d'autres criminels notoires, déjà détenus à Vendin-le-Vieil, dont la sécurisation a nécessité un investissement de 4 millions d’euros.

Surnommée « l'Alcatraz du Pas-de-Calais », cette prison ne part pas d'une page blanche. La réflexion avait été amorcée sous Éric Dupond-Moretti et poursuivie sous Didier Migaud. Gérald Darmanin en donne un coup d'accélérateur politique, ajoutant un régime carcéral qu'il qualifie de « très dur » à la proposition de loi contre le narcotrafic en cours de discussion.

Avec un dispositif antiaérien et antidrones, une double enceinte, et un ratio de 250 surveillants pour 100 détenus, Vendin-le-Vieil se transforme rapidement en un établissement ultra-sécurisé. Les détenus auront un minimum de contacts entre eux et avec l’extérieur : promenades limitées à cinq maximum, parloirs équipés d'hygiaphones, fouilles quotidiennes. Les « activités » seront restreintes à du sport et de l’enseignement, sans ateliers de travail, jugés inutiles pour des individus habitués à gagner des sommes astronomiques.

Cependant, cette sécurité maximale ne garantit pas une étanchéité absolue. Les téléphones portables ne passeront plus par les « yoyos » (cordelettes artisanales utilisées pour faire passer des objets de cellule en cellule), mais le personnel pénitentiaire continuera d’être exposé à la corruption et aux menaces. « Ces détenus resteront des caïds en prison, avec suffisamment d’argent pour acheter des complices », prédit Ivan Gombert, secrétaire national de FO Direction pénitentiaire, qui soutient néanmoins ce régime, estimant qu'il pourrait « ruiner ces criminels ».

Ces conditions de détention, validées par le Conseil constitutionnel, n'ont pas suscité de levée de boucliers. Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, déplore cette situation : « Vendin-le-Vieil est un énorme QHS (quartier de haute sécurité), une régression vertigineuse qui risque de devenir une usine à fabriquer des fous. » Malgré cela, elle se refuse à parler de « torture blanche », comme le dénonce l'Observatoire international des prisons pour cet isolement quasi-total.

Avec les projecteurs braqués sur Vendin-le-Vieil, le moindre incident—une mutinerie, une tentative d’évasion—aurait des répercussions énormes. Le garde des Sceaux en est conscient. Cependant, l’efficacité de cette prison ultra-sécurisée ne pourra être mesurée qu'à long terme : les trafics seront-ils perturbés, voire stoppés ? Les têtes de réseaux seront-elles empêchées de nuire ? D'ici là, Gérald Darmanin aura affirmé son autorité, selon Jérôme Durain (PS), qui a présidé la commission d'enquête sénatoriale et a signé la proposition de loi sur le sujet. Son objectif : répondre à la menace terrifiante du narcotrafic et à sa violence débridée.

Marie-Amélie Lombard-Latune

L'Opinion - 18 et 19 juillet 2025

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